Eliézer Ndinga (21Shares) : “Jamais les family offices n’ont été aussi actifs sur les cryptos”

Entre l'arrivée des investisseurs institutionnels et l'élection de Donald Trump, l'industrie crypto a le vent en poupe, selon le directeur de la stratégie de 21Shares, qui est l'un des principaux fournisseurs d'ETF et ETP crypto.
The Big Whale : En quelques semaines, tout semble s'être débloqué pour l'industrie crypto. Est-ce seulement lié à l'élection de Trump ?
L'élection de Trump a évidemment joué. Il y avait une grande question sur ce que son possible retour allait provoquer et on voit bien que l'effet est positif. Le secteur est optimiste à l'idée d'avoir une politique plus neutre.
Mais au-delà de l'élection de Trump, il y a surtout eu l'arrivée des ETF bitcoin Spot. Pour moi, c'est le moment le plus important pour l'industrie. On parle quand même du meilleur lancement jamais réalisé par un ETF. Aujourd'hui, on a dépassé les 100 milliards de dollars d'encours, c'est colossal.
Est-ce que tout le secteur en profite ?
On sent quand même que les choses sont plus simples pour le bitcoin qui est clairement perçu comme une commodité ; pour les autres crypto-actifs, que l'on appelle les altcoins, les choses sont plus complexes. Je mettrais peut-être Ethereum à part.
On voit bien que l'ether va vraisemblablement être également considéré comme une commodité. En revanche, pour les autres, le risque d'être encore qualifié en actions (securities) reste présent. Même BNY Mellon, la plus grande banque de New York, limite sa custody aux ETF Bitcoin et Ethereum.
Les choses pourraient toutefois bouger avec la nouvelle administration Trump qui a annoncé pendant la campagne qu'ils voudraient changer le cadre.
Êtes-vous optimiste pour l'avenir du secteur ?
Oui, même plus que jamais. Au risque de vous étonner, je pense que la réglementation crypto est beaucoup plus claire aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été. Les choses évoluent en Asie, en Europe il y a MiCA et aux États-Unis, l'élection de Trump va permettre de clarifier les choses.
En réalité, le sujet est celui de la convergence des marchés, notamment via la régulation.
Vous vivez à New York. Comment voyez-vous l'évolution du marché crypto aux États-Unis ?
Les cryptos sont passées d'un marché de niche assez sectaire à un marché plus mainstream. On a vu l'arrivée de la finance traditionnelle avec des acteurs comme BlackRock et Franklin Templeton. C'est un changement énorme.
Lors d'une présentation au club Harvard il y a quelques semaines, 60 % des family offices présents avaient déjà investi dans les cryptos, contre moins de 1 % en 2015-2017. L'arrivée d'acteurs comme BlackRock et Fidelity a vraiment légitimé cette classe d'actifs.
Avec quels grands acteurs travaillez-vous aujourd'hui ?
Nous sommes en concurrence directe avec BlackRock et Fidelity, mais nous sommes notre propre gestionnaire d'actifs. Pour le bitcoin, nous avons un partenariat avec la société Ark Invest de Cathie Wood. Pour l'ether, nous opérons de manière indépendante. Nous collaborons également avec des plateformes de distribution comme Robinhood et Schwab.
Qui sont vos principaux investisseurs ?
Les hedge funds, family offices, particuliers fortunés et banques privées. La distribution se fait via les brokers et les banques privées, principalement en Suisse, Allemagne et aux Pays-Bas. Au Royaume-Uni, nous sommes limités à Bitcoin et Ethereum pour les investisseurs professionnels.
L'arrivée de BlackRock n'a-t-elle pas bouleversé le marché ?
Les ETP sont une question d'échelle. BlackRock a un avantage avec sa distribution massive sur les autres classes d'actifs. Quand ils suggèrent à leurs clients d'investir 1-5 % de leur patrimoine ou capital en crypto, c'est naturel car la confiance est déjà établie. Cependant, il reste de la place pour les spécialistes crypto comme nous, qui offrons de la recherche, de l'éducation et des données en temps réel.
21Shares s'est d'abord lancé en Europe. Quel est votre produit le plus performant en Europe ?
C'est notre ETP Solana, avec plus d'un milliard de dollars d'actifs sous gestion. Nous l'avons lancé en 2021, c'était le premier sur le marché. Il représente aujourd'hui 1,5 % de l'offre totale de Sol sur le marché !
New York est-elle devenue la capitale de la crypto comme certains le disent ?
Je dirais que c'est plus nuancé que cela. La réglementation à New York est encore très stricte, notamment avec la BitLicense qui est incroyablement coûteuse.
Je pense que New York va devenir la capitale de la tokenisation grâce à Wall Street et ses banques. Je pense en revanche que New York ne jouera pas de rôle sur tout ce qui touche à la crypto tech (social media, podcasts, etc.).
Beaucoup en Europe se plaignent de la réglementation et de son coût, mais c'est encore plus cher aux États-Unis, et en particulier à New York. Encore actuellement, beaucoup de projets évitent les États-Unis pour ne pas être accusés de faire du marketing vers le marché américain.
Est-ce que vous avez des exemples ?
Il y en a plein ! Le site de prédiction Polymarket est inaccessible aux citoyens et résidents américains (il est aussi désormais interdit en France comme nous l’avons révélé, ndlr). Du côté des Exchanges, vous avez encore des restrictions : Kraken propose des services différents entre ses versions américaine et française.
À New York, seuls Coinbase et Gemini sont vraiment présents. Le staking est également interdit dans plusieurs États, et même si Trump va faire bouger les lignes avec certaines nominations comme à la SEC, tout ne va pas changer du jour au lendemain.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


