Gerry Afentakis (Zodia Custody) : "La conservation d'actifs est la pierre angulaire de la finance numérique"

Fondée en 2020, Zodia Custody s'est imposée comme un leader dans la conservation d'actifs numériques. Selon Gerry Afentakis, directeur des opérations européennes, cette réussite repose sur deux piliers : une expertise pointue en conservation et la solidité de ses actionnaires, notamment Standard Chartered.
The Big Whale : Pour ceux qui ne connaissent pas encore Zodia Custody, pouvez-vous nous présenter votre activité ?
Zodia Custody a été créée en 2020 par la banque Standard Chartered. Nous sommes un spécialiste de la conversation d’actifs numériques. C'est notre expertise exclusive, et c'est ce qui fait notre force.
Cette spécialisation est inhabituelle dans le secteur. Pourquoi ce choix alors que vos concurrents diversifient leurs activités ?
Dans l'univers crypto, contrairement à la finance traditionnelle, les plateformes jouent souvent un double rôle : elles sont à la fois plateformes d'échange et dépositaires des actifs.
Ce modèle hybride est problématique pour le secteur financier traditionnel. L'effondrement de FTX l'a démontré : le risque de contrepartie est inacceptable pour les institutions classiques.
C'est ce constat qui a guidé la stratégie de Standard Chartered : la conservation d'actifs devait être le socle fondamental de toute infrastructure crypto.
Cette approche s'applique à l'ensemble de l'écosystème : tokenisation, stablecoins, cryptomonnaies ou actifs traditionnels tokenisés - la conservation reste l'élément central.
C'est pourquoi ils ont créé deux entités distinctes : Zodia Custody pour la conservation, les wallets et la sécurité, et Zodia Markets pour le trading et l'exécution.
Ces deux sociétés, bien qu'incubées par Standard Chartered, fonctionnent aujourd'hui de manière autonome, avec la banque comme actionnaire stratégique.
Quels liens subsistent aujourd'hui entre Zodia Custody, Standard Chartered et Zodia Markets ?
Notre actionnariat s'est considérablement élargi : aux côtés de Standard Chartered, on trouve désormais Northern Trust, Emirates NBD Bank, National Australia Bank, SBI Holdings et d'autres investisseurs institutionnels. Nous ne sommes plus une simple filiale de Standard Chartered.
Ce qui unit nos actionnaires, c'est leur vision commune : la conservation d'actifs est la pierre angulaire de la finance numérique.
Concrètement, nous fournissons l'infrastructure technologique qui permet à Standard Chartered d'offrir des services de conservation aux Émirats arabes unis et au Luxembourg (où nous attendons notre licence MiCA). Emirates NBD Bank utilise également notre technologie en marque blanche pour son service Live Bank.
Quant à Zodia Markets, c'est une entité complémentaire : une plateforme de trading OTC spécialisée dans les stablecoins, les opérations d'on/off-ramping et les devises émergentes.
Nos clients peuvent accéder à leurs services via notre interface, tout en gardant la liberté de choisir d'autres prestataires s'ils le souhaitent.
Vous permettez donc à vos clients de faire plus que de la custody ?
Nos clients veulent “faire travailler” leurs actifs, avec du staking, du trading et d'autres activités, donc nous leur permettons de le faire via une interface. Mais ce n'est pas nous qui opérons.
Nous préférons être le meilleur en conservation, et intégrer les meilleurs partenaires pour tout le reste. C'est notre plateforme Zodia Gateway, une sorte d'App Store intégré, où les clients peuvent choisir les services qu'ils souhaitent, proposés par nos partenaires.
Aujourd'hui, combien êtes-vous chez Zodia Custody ? Quels sont vos clients types et vos principaux défis ?
Nous avons notre siège à Londres et une présence globale au Luxembourg, où nous avons soumis une demande de licence MiCA, ainsi qu'aux Émirats arabes unis, à Hong Kong, à Singapour, au Japon et en Australie.
Aujourd'hui, nous sommes à peu près 150 personnes, et nous sommes en pleine croissance. Notre ambition, c'est d'être le premier custodian mondial pour les actifs numériques.
Est-ce que cela aurait du sens de conserver également des monnaies fiat ?
Certains nous l'ont demandé, mais nous ne faisons que des actifs numériques. Notre proposition de valeur repose sur une proposition claire : créer un custodian de niveau « Tier 1 », aligné avec les standards des grandes institutions financières traditionnelles.
Qui sont vos clients ? Combien en avez-vous ?
Nous avons plusieurs centaines de clients. C'est un mix de clients traditionnels et crypto-natives. Les institutions financières qui entrent sur le marché digital nous identifient très rapidement comme un interlocuteur naturel parce qu'ils connaissent Standard Chartered.
Et côté entreprises crypto, c'est plus complexe car ils ont souvent déjà leur propre solution de custody. Mais c'est là qu'intervient notre écosystème : nos services, notre réseau d'actionnaires, notre Store : Zodia Gateway.
Et sur la partie techno ? Vous avez tout développé en propre, vous avez des partenaires ?
Notre stack est principalement basé sur du HSM (module de sécurité matériel comme Ledger), avec un socle propriétaire, combinant des briques développées en interne et des composants tiers (comme Ripple Metaco, historiquement).
On est en train de faire évoluer notre architecture pour intégrer plusieurs fournisseurs. L'objectif est simple : rester à la pointe en sécurité, en compliance, et en vitesse d'exécution.
Combien de blockchains supportez-vous pour protéger les actifs numériques ?
Nous sommes intégrés à une vingtaine de blockchains. Et bien sûr, si on parle des ERC-20 ou d'autres tokens sur Ethereum ou Solana, ça va bien au-delà.
Côté business, est-ce que la custody est un marché de prix ou de sécurité selon vous ?
Les deux aspects sont indissociables. Nos clients exigent un niveau de sécurité optimal tout en restant attentifs aux coûts. Chez Zodia, nous nous efforçons d'exceller sur ces deux fronts.
Notre position unique sur le marché nous permet de privilégier une croissance durable plutôt qu'une course effrénée à la rentabilité. Contrairement à certains acteurs devant justifier des valorisations astronomiques, nous construisons des relations pérennes avec nos clients.
Et sur la concurrence, avec l'arrivée des grandes banques (Citi, BNP Paibas, JP Morgan, BPCE...), quel impact pour Zodia ?
Naturellement, les grandes institutions financières vont privilégier leurs partenaires historiques. Cependant, le marché restera diversifié avec :
- des acteurs crypto-natifs préférant rester indépendants des banques traditionnelles,
- des établissements bancaires réticents à collaborer avec certains acteurs crypto.
L'écosystème s'organisera donc autour d'un modèle pluriel avec de la self-custody, des intermédiaires crypto et des groupes bancaires et spécialistes comme nous. Il n'y aura pas de monopole dans ce secteur.
Sur le plan géopolitique : l'Europe conserve-t-elle son avance grâce à MiCA ? Ou les États-Unis vont-ils reprendre la main ?
MiCA représente une innovation réglementaire majeure : un cadre harmonisé à l'échelle européenne qui attire les investisseurs. Bien que perfectible, c'est une base solide pour l'avenir.
Aux États-Unis, les récents développements politiques, notamment sous l'impulsion de Trump, rebattent les cartes. Quand la première économie mondiale accélère sérieusement sur les crypto et les stablecoins, cela légitime l'ensemble du secteur.
Cette dynamique incite même les acteurs les plus conservateurs — notamment dans la gestion de patrimoine — à s'ouvrir à ces innovations. Nous constatons un intérêt croissant : beaucoup viennent s'informer et comprendre le marché, au-delà du simple aspect transactionnel.
Quelle est la priorité de Zodia Custody pour l'Europe d'ici fin 2025 ?
Notre objectif principal est d'obtenir notre licence MiCA au Luxembourg. En parallèle, nous enrichissons continuellement notre écosystème Zodia Gateway pour proposer une gamme toujours plus complète de services.
On voit de plus en plus d’entreprises dans la crypto. La crypto est-elle devenue un marché B2B ?
Actuellement, le marché est clairement orienté B2B. Mais il ne faut pas oublier nos racines.
À terme, nous anticipons une configuration plus équilibrée avec un pôle institutionnel robuste, une base solide d'utilisateurs particuliers et une synergie croissante entre finance traditionnelle et décentralisée.
Toutefois, l'expansion du B2C nécessite encore des avancées significatives en matière de sécurité, de régulation et de pédagogie.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


