Hyperliquid, dYdX, Jupiter, Vertex : le comparatif des meilleurs DEX Perp

Hyperliquid, dYdX, Jupiter, Vertex : le comparatif des meilleurs DEX Perp

Le marché des produits dérivés en crypto, dominé par les contrats futures perpétuels, dépasse largement le volume du marché spot. Depuis la chute de FTX, les plateformes décentralisées tentent de concurrencer les exchanges centralisés, mais font face à des défis de performance, notamment en termes de latence et de fiabilité.

Le marché des produits dérivés, tant en finance traditionnelle qu'en crypto, surpasse largement le marché spot. Par exemple, le volume des produits dérivés de BTC est 17 fois plus élevé que son volume spot.

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En crypto, les contrats futures perpétuels dominent largement le marché des produits dérivés. Ces futures perpétuels, sans date de maturité, permettent de prendre facilement des positions avec des effets de levier élevés.

Les plateformes se livrent une concurrence acharnée pour s'imposer dans cet immense marché et y occuper une position dominante. FTX, un exchange centralisé en forte croissance, a vu sa fermeture brutale en novembre 2022 rappeler l'importance cruciale de la conservation personnelle des actifs.

Les blockchains permettent de minimiser ce risque, car les utilisateurs détiennent eux-mêmes leurs actifs. De plus, elles offrent la possibilité de créer des applications auditables en temps réel. Ainsi, les applications décentralisées de trading de perpétuels, ou "Perp DEX", visent à concurrencer leurs homologues centralisés (CEX).

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On constate une tendance à la hausse de la part du volume des futures sur les DEX par rapport aux CEX depuis la chute de FTX en novembre 2022. Cependant, cette part reste encore très faible, à peine plus de 3%. En comparaison, le volume spot sur les DEX représente 13% de celui des CEX.

Cette différence s'explique principalement par les exigences de performance du trading de produits dérivés, notamment en termes de latence — le délai d'exécution d'un ordre. Les blockchains, qui doivent former un consensus entre les nœuds de leur réseau, sont désavantagées face aux plateformes centralisées qui n'ont pas cette contrainte.

Ainsi, les blockchains de layer 1 les plus rapides affichent toutes une latence de plusieurs centaines de millisecondes, tandis qu'une plateforme comme Coinbase peut descendre sous 1ms. Bien entendu, la latence dépend également de la distance entre l'utilisateur et les serveurs des CEX ou les nœuds du réseau.

La fiabilité est un autre facteur crucial : la vitesse perd de son intérêt si l'exécution des ordres n'est pas garantie. Par exemple, sur Solana, 42,5% des transactions échouent.

Les sociétés de trading à haute fréquence, comme l'ensemble des traders, requièrent à la fois une latence minimale et une grande fiabilité pour optimiser l'exécution de leurs transactions et assurer la performance de leurs stratégies.

Les Perp DEX doivent donc innover pour tenter de rivaliser avec les performances des CEX, tout en proposant des fonctionnalités uniques permises par les blockchains. Le secteur est extrêmement compétitif, avec une véritable course pour attirer suffisamment de liquidité et créer un effet de réseau, afin de s'imposer durablement sur ce marché.

Nous allons donc comparer les différentes approches adoptées par les Perp DEX.

👉 dYdX : le pionnier

dYdX a été la première application à offrir une bonne expérience de trading de perp onchain. Initialement construite en tant que layer 2 d'Ethereum grâce à la technologie de Starkware (StarEx), l'entreprise derrière le réseau Starknet, le projet a par la suite lancé en octobre 2024 « dYdX V4 », son propre layer 1 basé sur le Cosmos SDK.

La dYdX Chain est sécurisée par les stakers de dYdX, rémunérés en USDC provenant des frais de trading payés par les utilisateurs, ce qui représente actuellement un rendement annuel de 8 %. Les validateurs du réseau hébergent aussi un carnet d'ordres onchain et assurent le rôle d'oracle pour fournir les flux de prix sur le réseau.

L'intérêt d'un carnet d'ordres onchain est de rendre vérifiable la bonne exécution des ordres émis. Un carnet d'ordres non vérifiable implique de faire confiance à son opérateur pour qu'il ne fasse pas de « front-running » sur les transactions, ne manipule pas leur ordre ou ne les censure pas. La CFTC avait par exemple accusé Binance de trader contre ses utilisateurs en novembre 2023.

dYdX a lancé sa V5 en juin 2024 : le protocole supporte désormais les marchés isolés afin d'améliorer la gestion des risques et permettre la création de nouvelles paires de trading d'actifs de niche tels que les memecoins. La V5 ajoute aussi des vaults dans lesquels les utilisateurs peuvent déposer des USDC qui fourniront de la liquidité sur les différents marchés en échange de rendements.

> Lire aussi - Charles d’Haussy (dYdX Foundation) : “Seul Cosmos nous permettait d’avoir le contrôle total sur notre projet”

La prochaine mise à jour du protocole doit permettre de lister n'importe quelle paire de trading sans nécessiter la permission de quiconque. Toujours dans l'esprit de pouvoir « tout trader », il devrait aussi être possible de trader avec effet de levier les marchés prédictifs disponibles sur Polymarket. Il est d’ailleurs déjà possible de trader les élections présidentielles américaines avec un effet de levier sur dYdX.

En tant que layer 1, dYdX doit assurer la sécurité de sa propre chaîne : il faut que le coût d'une attaque soit supérieur aux gains potentiels, par exemple récupérer les USDC du réseau ou manipuler l'ordre des transactions. Étant donné que le protocole est basé sur le consensus Tendermint, un attaquant pourrait aussi bloquer le réseau en contrôlant 33 % des tokens stakés.

Un défi majeur de dYdX est de réduire la latence de sa blockchain qui produit actuellement un bloc toutes les 0,98 seconde.

Comme l'indique le graphique ci-dessous, dYdX V3 (en vert clair) a longtemps représenté plus de 80 % du volume des Perp DEX. Toutefois, la multiplication de la concurrence a entraîné une perte continue des parts de marché, et le lancement de la dYdX Chain n'a pas inversé cette tendance. Il reste à voir si les mises à jour futures pourront changer la donne.

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👉 Hyperliquid : le nouveau géant

yperliquid domine actuellement le secteur des Perp DEX avec 25 % des parts de marché et affiche une croissance constante.

À l'instar de dYdX, Hyperliquid est une blockchain de layer 1 optimisée pour le trading, intégrant un carnet d'ordres onchain et son propre oracle. Pour optimiser la vitesse d'exécution, Hyperliquid a développé HyperBFT, un algorithme de consensus inspiré d'Hot Shot. Un trader co-localisé avec un nœud du réseau bénéficie ainsi d'une latence médiane de 200 ms, plaçant Hyperliquid parmi les layers 1 les plus rapides.

Le protocole a intégré des vaults permettant diverses stratégies, telles que la fourniture de liquidité ou le copy trading. Chacun peut déployer son vault avec sa propre stratégie.

Hyperliquid travaille à l'implémentation du support de l'Ethereum Virtual Machine (EVM) pour permettre le déploiement d'autres applications sur sa blockchain, visant ainsi à créer un écosystème.

Il est notable qu'Hyperliquid ait été entièrement autofinancé par son équipe, sans recourir à des investissements extérieurs. Cette approche a été particulièrement bien accueillie par sa communauté, dans un contexte où les critiques s'intensifient contre les projets réservant des opportunités d'investissement uniquement aux fonds de capital-risque (VCs).

Le token HYPE d'Hyperliquid n'a pas encore été lancé. Le protocole a mené une campagne de points pour stimuler l'activité sur son application. Le lancement du token pourrait intervenir d'ici la fin de l'année.

Malgré ses succès, Hyperliquid présente des zones d'ombre, la plus importante étant sa centralisation. L'ensemble des validateurs de la chaîne est géré par l'équipe, lui donnant potentiellement le contrôle total des fonds.

La décentralisation de la chaîne, prévue avec le lancement du token, apportera de nouveaux défis. Le protocole devra notamment faire face à la valeur d'extraction maximale (MEV), susceptible de nuire à l'expérience utilisateur. De plus, la décentralisation pourrait affecter les performances de la blockchain.

L'équipe a déployé son propre bridge vers Arbitrum, mais celui-ci a connu un blocage de plusieurs heures début octobre, dû à une erreur de synchronisation entre les nœuds des deux blockchains.

Hyperliquid devra donc relever les défis de la décentralisation tout en maintenant la croissance de son activité après la distribution de son airdrop.

👉 Jupiter : la place de trading privilégiée sur Solana

Jupiter est le plus grand agrégateur de DEX spot sur Solana et l'un des plus importants Perp DEX toutes chaînes confondues.

Contrairement à Jupiter, dYdX et Hyperliquid sont des Perp DEX synthétiques. Leurs transactions ne s'appuient pas sur des actifs réels, hormis l'USDC qui constitue leur unique source de liquidité. Ces plateformes utilisent plutôt des carnets d'ordres, des vaults et des oracles pour gérer les positions. L'avantage du modèle synthétique réside dans sa capacité à intégrer facilement de nouvelles paires de trading, à condition qu'un oracle fournisse leurs prix.

Jupiter adopte une approche différente : les traders y interagissent avec une pool de liquidité appelée JLP, composée de vrais tokens — SOL, ETH, wBTC, USDC et USDT. Ce modèle réduit la dépendance aux manipulations de prix des oracles et garantit que chaque trade est effectivement adossé aux actifs correspondants.

Cette approche a été initialement popularisée par GMX, l'un des Perp DEX les plus importants sur Arbitrum.

Jupiter ne dispose pas de carnet d'ordres. Ce sont les détenteurs de JLP qui jouent le rôle de contreparties pour les traders : ils perçoivent les frais de trading et prennent les positions inverses. Cette configuration les expose également à des pertes potentielles lorsque les traders sont majoritairement gagnants.

Les détenteurs de JLP contribuent aussi à renforcer la liquidité des actifs de la pool sur le marché spot. Ils profitent de la composabilité des blockchains en pouvant utiliser leurs JLP sur d'autres applications, par exemple comme collatéral sur Drift, un autre Perp DEX de Solana.

Une des principales limitations de ce modèle est la difficulté à intégrer de nouvelles paires d'actifs.

Jupiter intègre Edge, l'oracle développé par Chaos Labs, qui permet d'ajuster en temps réel les différents paramètres de risques du protocole tout en fournissant les flux de prix des actifs. En cas de défaillance d'Edge, Jupiter s'appuie sur les prix fournis par Pyth.

Jupiter tire profit de la composabilité offerte par une blockchain généraliste. Cependant, cette dépendance expose l'application aux risques de congestion causés par d'autres projets sur la même chaîne.

Le principal défi de Jupiter est d'intégrer de nouveaux actifs au sein de son application.

Un autre enjeu majeur est d'accroître l'utilité du token JUP au-delà de la simple gouvernance. Actuellement, les détenteurs de JUP bénéficient de récompenses offertes par les projets lancés via le launchpad LFG, développé par Jupiter.

👉 Vertex : l'unification de la liquidité multichain

Vertex a débuté comme un Perp DEX sur Arbitrum. En février 2024, l'équipe a lancé Edge : un carnet d'ordres innovant connectant la liquidité entre blockchains en temps réel (à ne pas confondre avec l'oracle Edge mentionné précédemment).

Le protocole se compose de deux éléments clés : des instances sur diverses blockchains, permettant aux utilisateurs de déposer différents tokens, et un séquenceur hors chaîne gérant un carnet d'ordres unique. Ce dernier exécute les ordres en 5 à 15 ms, les transactions étant ensuite finalisées sur leurs chaînes respectives selon leur vitesse propre.

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Vertex représente donc un modèle hybride entre les appchains comme dYdX et Hyperliquid, et les applications déployées sur des chaînes plus généralistes telles que Jupiter, Drift et GMX. Son carnet d'ordres fonctionne indépendamment de la congestion et de la vitesse des blockchains hébergeant les instances de Vertex, tout en bénéficiant de la composabilité offerte par ces blockchains généralistes.

Actuellement, Vertex est déployé sur Arbitrum, Base, Mantle, Blast et Sei. Les utilisateurs peuvent ainsi déposer divers tokens de ces blockchains et les utiliser comme collatéral. Ces tokens peuvent également être empruntés par d'autres utilisateurs via une pool de prêt similaire à Aave, générant ainsi des rendements.

Les transactions étant finalisées sur leurs chaînes respectives, toutes bénéficient de l'activité sur les différentes instances du protocole. Ces chaînes peuvent offrir leurs tokens à Vertex, qui les redistribue lors de compétitions de trading, contribuant ainsi à la liquidité de l'ensemble des chaînes. Cette synergie a notamment permis à Sei, Mantle et Blast d'attirer de nouveaux utilisateurs.

De plus, d'autres protocoles peuvent intégrer le carnet d'ordres multichain d'Edge pour profiter de sa liquidité et y contribuer, comme le fait Pear Protocol.

En cas de dysfonctionnement du séquenceur gérant le carnet d'ordres, le protocole basculerait temporairement vers un modèle d'AMM afin d’assurer les échanges, dans tous les cas les utilisateurs restent les seuls propriétaires de leurs fonds et le séquenceur n’a pas moyen d’exécuter d’ordres sans la signature des utilisateurs.

Le staking du token VRTX permet de recevoir une part des frais de trading générés par le protocole et de réduire ses propres frais, à l'instar de Binance. Le projet a récemment lancé le « VRTX Vertical Program », visant à améliorer progressivement l'utilité du VRTX et son intégration dans l'application.

La majorité des marchés sur Vertex s'appuient sur les prix fournis par les oracles de Stork, tandis que les « data streams » de Chainlink sécurisent actuellement les paires ETH.

> Lire notre analyse des différentes solutions d'oracles

Le défi majeur sera de décentraliser le séquenceur opérant le carnet d'ordres pour le rendre résilient et vérifiable, tout en maintenant sa vitesse d'exécution actuelle.

On peut également s'interroger sur l'impact potentiel qu'une réorganisation ou une corruption d'une des chaînes supportées par Edge pourrait avoir sur l'ensemble du protocole.

L'avis de The Big Whale 🐳

Contrairement aux CEX, les Perp DEX peuvent tirer profit des avantages offerts par les blockchains, c'est-à-dire la conservation personnelle, la vérifiabilité et la composabilité. Cependant, ils doivent faire face aux défis posés par la latence et la MEV. L'objectif est de parvenir à proposer le meilleur compromis.

Le développement des layers 2 représente la prochaine frontière en termes de mise à l'échelle des blockchains. Des projets tels que MegaETH, Rise, Eclipse ou Atlas pourront permettre de créer des applications onchain avec une latence bien plus faible que les blockchains actuelles. Ceci sera possible grâce à un nombre restreint de validateurs et une optimisation de la fonction d'exécution, tout en s'appuyant sur la sécurité d'Ethereum.

De même, les services spécialisés décentralisés tels que les AVS d'EigenLayer pourront permettre d'améliorer certains composants précis des Perp DEX. Le carnet d'ordres de Vertex se rapproche de cette catégorie.

Il est important de noter l'évolution d'autres applications, comme par exemple Deriv (anciennement Lyra), qui est en train de se positionner comme le leader dans le secteur des options onchain.

Le trading onchain est encore loin de pouvoir rivaliser avec les CEX, que ce soit en termes de performances ou de volume. Il est crucial pour ces applications d'offrir un volume suffisant afin d'attirer les plus gros traders. Le défi majeur est de parvenir à faire croître ce volume à partir de zéro grâce aux récompenses en tokens, puis de maintenir cette croissance de façon organique.

Si les Perp DEX parviennent à s'imposer suffisamment et permettent de lister de nouveaux actifs de façon permissionless, ce sera aussi une victoire pour les nouveaux projets qui sont actuellement obligés de payer des fortunes pour être listés sur les CEX.

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