Oracles blockchain : des modèles économiques encore en construction

Les oracles blockchain jouent un rôle central dans l'écosystème des cryptomonnaies en connectant les smart contracts à des données externes. Leurs modèles économiques, encore en pleine évolution, doivent s'adapter à un marché en expansion et à la concurrence croissante.
Le modèle économique des oracles blockchain est une composante essentielle de l'infrastructure de la finance décentralisée (DeFi) et d'autres applications décentralisées (dApps). Les oracles sont des services qui permettent aux blockchains de recevoir des informations externes (données off-chain), comme les prix des actifs, les résultats sportifs, les données météorologiques, ou toute autre information nécessaire au bon fonctionnement des smart contracts. Cependant, au-delà de leur fonction technique, les oracles adoptent des modèles économiques variés qui influencent leur adoption et leur rentabilité.
Modèle de base : Vente de données aux applications décentralisées
Le principal modèle économique des oracles repose sur la vente de données provenant de fournisseurs externes aux applications décentralisées. Cela permet aux smart contracts d'exécuter des opérations basées sur des données fiables issues du monde extérieur. Ce flux de revenus est la pierre angulaire du business model des principaux oracles comme Chainlink et Pyth. Les développeurs d'applications cryptographiques paient pour accéder à ces données, soit par le biais de micropaiements pour chaque appel de données, soit via des abonnements pour des services continus.
Chainlink : Un leader dominant, mais concentré
Parmi tous les oracles, Chainlink est sans doute le plus grand et le plus connu. Il propose une large gamme de services, allant des flux de prix aux outils d'interopérabilité entre blockchains. Cependant, malgré cette diversité de services, 98% de ses revenus proviennent des flux de prix. Ces flux sont essentiels pour les plateformes DeFi, les stablecoins, et d'autres applications où des données en temps réel sur les actifs numériques sont cruciales.
Depuis début 2024, Chainlink a généré 46 millions de dollars de revenus, principalement grâce à ses services de flux de données. Cependant, cette concentration sur les flux de prix soulève des questions sur la durabilité de ce modèle à long terme. Avec la montée d'autres solutions d'oracles et des concurrents offrant des alternatives, Chainlink pourrait être confronté à une pression pour diversifier ses sources de revenus.
CCIP et les perspectives de diversification
Pour répondre à ces défis, Chainlink mise sur CCIP (Cross-Chain Interoperability Protocol), une solution d'interopérabilité entre blockchains. CCIP permet aux blockchains de communiquer et d'échanger des données et des actifs, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles sources de revenus. Si des tokens majeurs adoptent ce standard, comme le stablecoin GHO lancé par Aave récemment, Chainlink pourrait voir ses revenus croître et se diversifier. Le CCIP pourrait devenir un élément clé de l'infrastructure de la prochaine génération de blockchains, notamment dans un monde multi-chaînes.

Modèles de tarification : Pull, push, et frais en tokens natifs
Un autre aspect clé du modèle économique des oracles est la manière dont ils tarifient leurs services. Chainlink utilise un modèle de tarification dit “pull”, qui facture 0,35 centimes par utilisation. Les utilisateurs qui paient avec le token natif de Chainlink, LINK, bénéficient d'un tarif standard, tandis que ceux qui paient avec d'autres cryptomonnaies se voient appliquer un surcoût de 10%. Ce modèle incite à utiliser le token LINK, créant ainsi une demande supplémentaire pour le token et intégrant son usage dans le système d’oracle.
À l'inverse, des oracles plus récents comme Pyth adoptent des stratégies de prix plus agressives pour capturer des parts de marché. Pyth facture la plus petite unité d'une blockchain, par exemple 1 wei sur Ethereum, pour chaque utilisation. Ce modèle de bas prix, quasi négligeable pour les utilisateurs, vise à attirer des clients tout en leur offrant une tarification ultra-compétitive. Cela permet à Pyth de gagner du terrain face à Chainlink et d'autres concurrents avant d'éventuellement augmenter ses tarifs à mesure que sa base d'utilisateurs s'élargit.
Différences dans la provenance des données
Les oracles ne se distinguent pas seulement par leurs modèles de tarification, mais aussi par la manière dont ils obteniennent leurs données. Cela a un impact direct sur la qualité et la fiabilité des informations fournies aux dApps.
- Pyth se démarque en utilisant des données directement fournies par des exchanges et des institutions financières de premier plan telles que Flow Traders, Jane Street, et CBOE. Ces données proviennent des acteurs majeurs du marché, ce qui garantit une fiabilité élevée, indispensable pour des applications critiques comme le trading algorithmique ou les protocoles DeFi.
- Chainlink, quant à lui, s'appuie sur des agrégateurs de données tiers tels que CCData, CoinMarketCap, et CoinGecko pour fournir la majorité de ses données de prix. Bien que cette méthode permette de collecter des informations provenant de multiples sources, elle dépend davantage de la qualité des agrégateurs de données, ce qui peut parfois entraîner des divergences par rapport aux données brutes fournies directement par les exchanges.
Modèle de rémunération des fournisseurs de données
Le modèle économique des oracles ne se limite pas à la vente de données aux utilisateurs finaux ; il inclut également la rémunération des fournisseurs de données. Cette dynamique est essentielle pour garantir l'approvisionnement continu de données fiables.
Pyth, par exemple, réserve 22% du total des tokens PYTH pour rémunérer ses fournisseurs de données. Ce mécanisme de rémunération incitative encourage les institutions financières et autres fournisseurs à continuer de fournir des données précises et en temps réel. De cette manière, Pyth assure la fidélité et l'engagement de ses sources, ce qui est crucial pour le bon fonctionnement de son réseau.
Modèle de tokenomics et son importance
Les oracles blockchain, comme Chainlink et Pyth, utilisent des modèles de tokenomics sophistiqués qui jouent un rôle clé dans leur modèle économique. Les tokens natifs, comme LINK pour Chainlink et PYTH pour Pyth, sont utilisés non seulement comme moyen de paiement, mais aussi pour aligner les incitations entre les différents acteurs de l'écosystème, qu'il s'agisse des fournisseurs de données, des nœuds opérateurs ou des utilisateurs finaux.
Dans le cas de Chainlink, l'utilisation de LINK pour payer les services d'oracle est intégrée dans le système, incitant les utilisateurs à adopter le token pour bénéficier de réductions tarifaires. Cette demande soutenue pour LINK crée une pression sur l'offre, contribuant à maintenir ou à augmenter la valeur du token sur les marchés secondaires.
L'avenir des oracles et des modèles économiques
L'avenir des oracles blockchain semble prometteur, mais leur modèle économique devra s’adapter à un environnement en constante évolution. Avec l’essor des solutions cross-chain comme CCIP de Chainlink, l’adoption croissante des stablecoins, et le développement de nouvelles plateformes décentralisées, les oracles devront diversifier leurs offres et trouver de nouvelles sources de revenus. De plus, la montée en puissance des oracles décentralisés, où les utilisateurs eux-mêmes peuvent fournir des données et participer au réseau, pourrait bouleverser le modèle économique actuel.
Enfin, les réglementations émergentes autour des cryptomonnaies et de la finance décentralisée auront également un impact sur le modèle économique des oracles. Les oracles devront peut-être se conformer à des règles plus strictes concernant la transparence des données, ce qui pourrait impliquer des coûts supplémentaires pour garantir la conformité tout en fournissant des données fiables aux utilisateurs.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


