Quand les ICO renaissent de leurs cendres : vers une nouvelle ère du financement crypto ?

Quand les ICO renaissent de leurs cendres : vers une nouvelle ère du financement crypto ?

Alternative au capital-risque, les ICO ont révolutionné le financement des projets blockchain en permettant des levées de fonds directes auprès des communautés. Malgré un essor fulgurant, ce modèle a connu dérives et déceptions, ouvrant la voie à de nouveaux mécanismes hybrides et innovants.

Le phénomène des ICO

Alternative au capital-risque traditionnel, les ICO ont révolutionné le financement des projets blockchain. Le principe est simple : ces projets peuvent lever des fonds directement auprès de leur communauté en vendant leur propre cryptomonnaie.

À mi-chemin entre le financement participatif et l'introduction en bourse, ce mode de financement a connu un succès fulgurant auprès des investisseurs particuliers. En 2017, les chiffres sont vertigineux : environ 435 ICO ont permis de lever plus de 5,6 milliards de dollars, rivalisant ainsi avec l'activité du capital-risque traditionnel aux États-Unis.

Des projets phares comme EOS (4,1 milliards de dollars), Filecoin (257 millions de dollars) ou Tezos (232 millions de dollars) ont marqué cette période avec leurs levées de fonds record et maintiennent aujourd'hui une activité notable.

Cependant, cet engouement s'est accompagné de nombreuses pratiques frauduleuses et d'échecs. Un an après la frénésie des ICO, en décembre 2018, 86,2 % des cryptomonnaies émises s'échangeaient en dessous de leur prix initial, et la majorité de ces projets ont depuis disparu.

L'effondrement du Bitcoin en 2017 et les poursuites de la SEC ont mis un terme à cette méthode de financement. Le secteur s'est alors scindé entre un cadre institutionnel régulé d'une part, et des initiatives décentralisées plus directes d'autre part.

L’institutionnalisation des levées de fonds de projets crypto

Malgré les pertes importantes subies par les investisseurs, cette phase d'euphorie a révélé une forte demande des particuliers pour participer au financement des jeunes start-ups, particulièrement en période haussière.

Le financement des projets crypto continue de s'appuyer sur la communauté, mais le processus a considérablement évolué, s'adaptant constamment pour optimiser l'expérience de toutes les parties prenantes.

Ce processus s'est d'abord institutionnalisé, répondant ainsi à la demande du marché tout en protégeant les participants des excès observés lors du cycle 2017. Cette institutionnalisation débute en 2019 avec l'introduction des IEO (Initial Exchange Offering) par Binance — notamment pour le BTT de BitTorrent (7,1 millions de dollars levés) — puis s'intensifie avec l'arrivée massive des fonds de capital-risque (VC).

Durant le bull run 2021-2022, les VCs affluent vers les nouvelles startups blockchain et crypto, propulsant les levées de fonds à des niveaux records — jusqu'à 7 milliards de dollars pour le seul mois d'octobre 2022.

Levées de fonds de projets cryptos depuis 2017, DeFiLlama

Bien que considérés comme des gages de qualité et des curateurs des meilleures opportunités sur le marché (sur le papier), les VCs ne sont pas pour autant une solution unique et idéale. Deux raisons principales l'expliquent : ils peuvent commettre des erreurs entraînant des pertes significatives, et leur position dominante dans le financement n'est pas viable à long terme.

En 2024, au début du cycle en cours, le marché a particulièrement souffert du poids de ces financements institutionnels excessifs dont les périodes de vesting arrivaient à échéance.

Le token ARB du Layer 2 Arbitrum illustre parfaitement l'influence des investisseurs institutionnels sur la performance d'une cryptomonnaie. Bien qu'Arbitrum soit le deuxième plus important Layer 2 d'Ethereum en valeur immobilisée, son token sous-performe nettement le marché depuis le déblocage massif de 2,1 milliards de dollars en ARB en mars 2024.

D'autres événements ont ébranlé la confiance des investisseurs envers les « VC coins ». Le projet Celestia, parmi d'autres, a permis aux fonds de capital-risque de pratiquer le staking avec leurs tokens encore soumis au vesting. Ces fonds pouvaient ensuite revendre immédiatement leurs récompenses de staking sur le marché, exerçant une pression baissière considérable sur les prix.

En réaction aux performances décevantes de ces tokens largement financés par les VCs, la communauté crypto s'est détournée massivement du financement institutionnel. Ce mouvement a favorisé le retour à des méthodes de financement plus directes : IDO (Initial DEX Offerings), préventes, ICO masquées en airdrops et yield farming.

Le géant pump[.]fun et la montée en puissance des memecoins illustrent parfaitement cette attitude contestataire envers les tokens soumis à une forte pression vendeuse. Les memecoins adoptent une approche diamétralement opposée aux cryptomonnaies traditionnelles, proposant une offre de tokens totalement disponible dès le lancement et un marché instantanément accessible.

Si cette approche suggère une égalité entre participants, elle souffre de deux faiblesses majeures : les lancements sont fréquemment manipulés, et même avec une distribution équitable, l'absence de tokenomics empêche l'alignement des intérêts nécessaire à un développement durable.

La renaissance des ICO

Malgré leur déclin après 2018, les ICO pourraient renaître grâce au développement de nouveaux modèles innovants. En 2025, des projets comme Echo et Legion parviennent à combiner le meilleur des circuits de financements classiques avec les qualités des systèmes on-chain.

Echo, fondé par le trader et business angel « Cobie » (de son vrai nom Jordan Fish), est une plateforme crypto-native permettant à tout investisseur de créer un groupe et de partager ses opportunités d'investissement. Les membres du groupe peuvent participer au financement des projets proposés par le group lead, celui-ci étant incité à sélectionner de bonnes opportunités puisqu'il reçoit une part des profits réalisés par les membres.

De son côté, Legion innove avec le concept d'ICO basées sur la confiance et la réputation : les investisseurs sont sélectionnés pour chaque opportunité selon leur score de réputation. Ce score évolue en fonction de critères comme le capital social, l'activité on-chain et le score développeur (via l'activité Github), permettant d'évaluer la valeur ajoutée et le mérite de l'investisseur.

>> Lire notre analyse détaillée d'Echo et Legion

Dans l'ensemble, ces deux projets cherchent à résoudre de manière innovante le problème de la formation de capital en crypto et des startups en général, en associant la qualité et la sécurité du deal flow des circuits traditionnels à la composabilité, l'efficience et les nouveaux mécanismes permis par la blockchain.

Enfin, la régulation joue un rôle central dans cette renaissance : les règles sont claires en Europe et permettent d'accéder à tout le marché européen si les prérequis sont respectés. Aux États-Unis, la nouvelle administration pro-cryptos laisse présager une politique plus souple envers l'industrie.

Avec la démission de Gary Gensler, le changement de leadership à la SEC (Security Exchange Commission) est particulièrement intéressant : jusqu'à présent, les ICO sont considérées comme des ventes de titres financiers devant être enregistrées à la SEC, et il est formellement interdit pour un projet de vendre des titres financiers non enregistrés aux investisseurs américains.

Sous l'administration du prochain président de la SEC Paul Atkins, la réglementation pourrait être allégée et permettre aux projets de proposer des ICO aux investisseurs américains sans risquer de lourdes amendes, bénéficiant ainsi d'un flux de capitaux beaucoup plus important.

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