Réglementation crypto en 2025 : l’année de tous les changements

L’année à venir s’annonce décisive en Europe, avec l’entrée en vigueur de MiCA et DAC8. Entre défis réglementaires pour les PSAN et transparence fiscale renforcée, seuls les acteurs les plus solides survivront.
En 2025, l’ère du Far West des cryptomonnaies en Europe devrait toucher à sa fin, marquée par une régulation et une surveillance fiscale sans précédent. Le paysage réglementaire sera marqué par l’entrée en vigueur totale de MiCA(Markets in Crypto Assets), le cadre européen conçu pour harmoniser les règles dans l’Union européenne.
Cependant, la transition s’annonce périlleuse pour les PSAN (prestataires de services sur actifs numériques) qui doivent relever plusieurs défis majeurs.
Obtenir l’agrément MiCA : un parcours semé d’embûches
Avec MiCA, les PSAN français doivent franchir une nouvelle étape : obtenir l’agrément MiCA, beaucoup plus exigeant que le simple enregistrement PSAN (une centaine de titulaires). Ce processus, obligatoire pour continuer à opérer, s’annonce particulièrement ardu.
« Aujourd’hui, tous les dossiers PSAN qui n’ont pas pu être finalisés en 2024 ont été convertis en demandes d’agrément MiCA. Résultat : un véritable embouteillage. On parle d’une trentaine de dossiers en attente pour le premier semestre 2025 à l’AMF (Autorité des marchés financiers, ndlr) », explique William O’Rorke, associé au cabinet ORWL Avocats.
Seule Société Générale-Forge, qui a obtenu un agrément français en juillet 2023, devrait conserver une longueur d’avance : son dossier a eu le temps d’être examiné pour être rapidement transformé en agrément européen début 2025.
Deblock et GOin, les deux autres détenteurs de l'agrément français obtenu respectivement en novembre et décembre 2024, pourraient quant à eux voir leur transition vers l'agrément européen ralentie du fait de la récente obtention de leur sésame local.
Mais que le clients se rassurent : pour les entreprises qui bénéficiaient déjà d’un enregistrement PSAN au 30 décembre 2024, elles auront 18 mois pour se mettre en conformité.
Un marché mûr pour les rachats et les fermetures
Face à ces obstacles, beaucoup de PSAN français envisagent des scénarios de sortie. « Pour les acteurs qui n’ont pas le niveau pour aller vers MiCA, deux options s’offrent à eux : fermer boutique ou espérer un rachat », analyse William O’Rorke.
Les rachats, cependant, ne sont pas simples. « Il existe une légende urbaine selon laquelle de grandes entreprises étrangères seraient prêtes à investir 20 millions d’euros dans un PSAN français. Mais dans les faits, ces discussions aboutissent rarement. Souvent, les potentiels acquéreurs en profitent seulement pour collecter des informations afin de renforcer leurs propres services », déplore-t-il.
Même lorsque des rachats se concrétisent, la procédure est encadrée. « Si un changement d’actionnaire entraîne une modification substantielle de l’activité, l’AMF peut exiger un dépôt complet de dossier MiCA, ce qui dissuade certains acheteurs. En gros, un petit PSAN ne peut pas devenir Coinbase du jour au lendemain », illustre William O’Rorke.
Pour d’autres, la fermeture semble inévitable. Mais là encore, tout n’est pas si simple : « Un PSAN qui fait de la conservation de fonds ne peut pas fermer du jour au lendemain. Il doit céder ses clients à un autre acteur en conformité, comme Coinhouse ou Paymium, ce qui est une forme de rachat indirect. »
À terme, l’avocat prévoit que seules 25 entreprises parviendront à se hisser au niveau de conformité nécessaire, notamment pour des questions de ressources financières (la plupart des sources évoquent un ticket minimum de 500 000 euros pour se mettre en conformité).
En 2025, la structuration du marché européen des cryptos pourrait ressembler davantage à une purge qu’à une évolution harmonieuse. Une chose est sûre : la concurrence s’annonce féroce, et seuls les acteurs les plus résilients sortiront gagnants de cette transition.
Cybersécurité : une priorité coûteuse et incontournable
La cybersécurité est l’un des piliers de MICA, mais elle représente aussi un défi colossal pour les PSAN. « Avant, on fonctionnait avec des audits ponctuels en France. Avec la directive européenne DORA (Digital Operational Resilience Act), on passe à une surveillance continue, ce qui demande des investissements importants », explique William O’Rorke.
La moindre faille peut avoir des conséquences graves, tant en termes de sécurité des fonds que de réputation. « Les entreprises doivent désormais intégrer des protocoles robustes pour éviter les attaques, mais aussi prouver leur conformité à tout moment. Cela alourdit considérablement la charge administrative », précise-t-il.
En parallèle, l’AMF et l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) multiplient les contrôles. « Aujourd’hui, 30 % des PSAN ont déjà été contrôlés sur leurs obligations LCB-FT (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme). Ces contrôles se renforceront encore sous MiCA, avec des exigences qui se rapprochent de celles imposées aux banques », souligne-t-il.
Une fiscalité renforcée et de plus en plus intrusive
En parallèle des évolutions réglementaires, la fiscalité des cryptomonnaies va connaître un tournant décisif entre 2025 et 2026, notamment avec la mise en œuvre de la directive DAC8, issue de l’OCDE (organisation intergouvernementale réunissant les plus grands pays développés). Cette directive impose aux plateformes de transmettre aux administrations fiscales des informations détaillées sur leurs utilisateurs et leurs transactions.
« DAC8 va permettre à l’administration fiscale d’accéder automatiquement à des données KYC (Know Your Customer, connaissance des clients) et à l’historique des transactions réalisées sur les plateformes. À terme, cela créera une transparence totale, comparable, voire supérieure à celle des banques traditionnelles grâce à la traçabilité on-chain », souligne William O’Rorke.
Pour les utilisateurs, cela implique la fin de certaines zones d’ombre. Par exemple, il deviendra de plus en plus difficile de dissimuler des transactions réalisées sur des wallets non custodiaux. « Les plateformes devront collecter des preuves de propriété pour les portefeuilles externes. En pratique, cela signifie que si vous transférez des cryptos vers votre Ledger, on pourra vous demander de démontrer que ce portefeuille vous appartient, notamment pour des montants supérieurs à 1 000 euros », explique-t-il.
Avec ces nouvelles règles, les autorités fiscales auront une vision complète des flux financiers liés aux cryptomonnaies. Si cela vise à lutter contre l’évasion fiscale, cela marque également une évolution vers une surveillance accrue de l’ensemble du secteur, ce qui pourrait dissuader certains utilisateurs d’utiliser des plateformes réglementées en Europe. « Ces mesures sont un tournant pour le marché européen. Elles montrent que la fiscalité des cryptos va atteindre un niveau de sophistication qui dépassera celui des systèmes financiers traditionnels », conclut l’avocat.
La Travel Rule : un nouvel impératif pour les PSAN
Enfin, l’année 2025 marquera également une étape importante avec la mise en œuvre complète de la “Travel Rule” dans le secteur des cryptomonnaies en Europe. Inspirée des standards du GAFI (Groupe d’action financière), cette règle impose aux prestataires de services sur actifs numériques de transmettre les informations KYC des expéditeurs et des bénéficiaires lors des transactions supérieures à 1 000 euros, qu’elles soient on-chain ou off-chain.
Dans le cas des dépôts depuis des wallets non-custodial, il faudra prouver que l'on est le propriétaire de ce dernier via une signature électronique. Cela pourrait mettre au jour de nombreuses opérations on-chain des utilisateurs, en révélant notamment des clusters de portefeuilles avec lesquels ils interagissent.
L’objectif est clair : renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en assurant une traçabilité totale des fonds numériques. Mais pour les PSAN, cette règle représente un défi technique et organisationnel majeur.
Cela pourrait néanmoins avantager certains acteurs comme la néo-banque Deblock qui n’aura pas l’obligation de collecter ce type donner en raison de l’implémentation d’un wallet non custodial directement dans son application, un type de portefeuille non concerné par la Travel Rule.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


