Comprendre la MEV : Quels risques pour vos transactions en DeFi ?

La Maximum Extractable Value (MEV) affecte directement les coûts et l’efficacité des transactions DeFi, souvent au détriment des utilisateurs. Découvrez ses impacts pour limiter ses effets dans l’écosystème Ethereum et Solana.
La Maximum Extractable Value (MEV) est un concept complexe dont les effets concernent tous les utilisateurs de la DeFi.
La MEV correspond à l'arrangement optimal des transactions au sein d'un bloc afin d'en extraire le maximum de valeur. Elle représente, dans la plupart des cas, une perte pour les applications DeFi et leurs utilisateurs, au profit des bots d'arbitrage, des créateurs de blocs et des validateurs de la blockchain.
La MEV a néanmoins plusieurs avantages : elle contribue à équilibrer les prix entre les différents DEX et les CEX, et permet le bon fonctionnement des liquidations dans les diverses applications de prêt.
Nous allons d'abord présenter quelques exemples de MEV, puis décrire son organisation sur Ethereum — le réseau avec l'activité la plus mature —, ensuite sur ses layers 2 et Solana, avant de voir quelles solutions sont mises en place.
Quelques exemples de cas de MEV
La MEV englobe de nombreuses activités. Voici une liste non exhaustive :
- L'attaque sandwich : un bot détecte votre ordre d'achat, exécute le sien avant le vôtre, puis revend immédiatement après votre achat.
- Les arbitrages entre les différentes AMM (Automated Market Makers) et les plateformes de trading centralisées. Plus spécifiquement, les arbitrages CEX-DEX consistent souvent à exploiter un AMM affichant un prix obsolète — dû au délai d'actualisation lié à la vitesse de production des blocs — par rapport à un exchange centralisé où le prix évolue avec une latence bien plus faible. Ce phénomène, appelé Loss-Versus-Rebalance (LVR), extrait de la valeur aux fournisseurs de liquidité.
- L'Oracle Extractable Value (OEV) : elle exploite le délai d'actualisation des prix fournis par les oracles, permettant de liquider les prêts des utilisateurs des plateformes de prêt de la manière la moins avantageuse pour ces derniers (plus d'informations ici).
Ci-dessous une estimation de l'activité de la MEV sur Ethereum.
.png)
La chaîne de valeur de la MEV sur Ethereum
Lorsqu'une transaction est effectuée sur Ethereum, elle passe par plusieurs étapes avant d'être exécutée au sein d'un bloc. On distingue trois acteurs principaux dans la chaîne de valeur de la MEV : les chercheurs, les constructeurs de blocs et les proposeurs.
Les chercheurs sont des acteurs sophistiqués, souvent automatisés, qui scrutent constamment l'activité de la blockchain pour dénicher des opportunités de MEV, comme celles mentionnées précédemment. Ils exploitent notamment la mempool publique, où les transactions attendent d'être incluses dans un bloc, pour devancer certaines d'entre elles en payant des frais de priorité plus élevés.
Les constructeurs de blocs, également des entités sophistiquées, collectent les transactions de la mempool publique et des mempools privées pour les organiser au sein d'un bloc. Leur objectif est de maximiser les frais associés aux transactions qu'ils incluent. Ainsi, les chercheurs rivalisent entre eux pour que leurs transactions soient sélectionnées par les constructeurs de blocs.
Les proposeurs sont les validateurs du réseau Ethereum. Toutes les 12 secondes, un validateur est choisi au hasard pour proposer le prochain bloc qui sera transmis au reste du réseau. Le proposeur reçoit les blocs des constructeurs et choisit de proposer celui qui lui est le plus profitable, obligeant ainsi les constructeurs à partager leurs bénéfices avec lui.
.png)
On constate ainsi qu'il existe plusieurs niveaux de compétition au sein de la chaîne de valeur, et que seul le proposeur possède une sorte de monopole, puisqu'il n'y en a qu'un seul à la fois et qu'il a le dernier mot. Le proposeur est donc celui qui collecte la plus grande partie des bénéfices liés à la MEV, ce qui contribue in fine à augmenter les récompenses du staking d'ETH.
Certains chercheurs de la communauté Ethereum souhaitent mettre un terme à ce monopole des proposeurs. Par exemple, Max Resnick pousse pour la mise en place du Multi Concurrent Proposers (MCP). L'idée est de renforcer la résistance à la censure du réseau Ethereum afin de garantir le respect des règles d'organisation des transactions et donc permettre une meilleure prédictibilité.
La MEV sur les autres blockchains
Sur les layers 2, la MEV prend des formes différentes. Cela est principalement dû au fait qu'ils possèdent pour le moment un unique séquenceur qui héberge la mempool de façon privée et agit à la fois comme le constructeur de bloc et le proposeur. Cette situation limite notamment les attaques sandwich, étant donné que seul le séquenceur est au courant des transactions. Cela implique aussi qu'il faut faire confiance à l'équipe du projet qui opère le séquenceur.
Les chaînes basées sur le OP Stack organisent leurs transactions de la même manière qu'Ethereum : les utilisateurs paient tous des frais de gas communs (base fees) auxquels peuvent s'ajouter des frais de priorité qui permettent de placer leur transaction plus haut dans le bloc.
Les règles d'organisation des transactions peuvent aussi être différentes. Par exemple, sur Arbitrum, les transactions sont simplement ordonnées selon leur ordre d'arrivée sur le séquenceur, selon un principe de « Premier arrivé, premier servi ».
De son côté, Solana ne possède pas de mempool et les transactions sont directement envoyées aux leaders qui produisent les blocs.
Ne pas avoir de mempool ou s'appuyer uniquement sur une mempool privée ne supprime pas pour autant la MEV. Les recherches de Flashbot indiquent ainsi que ces situations poussent à des stratégies de MEV basées sur du spam de transactions afin d'espérer saisir les différentes opportunités d'arbitrage. Cela entraîne une hausse des frais de transactions, une congestion du réseau ainsi qu'une annulation de certaines transactions. Par exemple, sur Solana, le taux d'échec des transactions est d'environ 40%.
Les différentes solutions
Rollup-Boost, développé en collaboration par Flashbots et Uniswap, permet aux layers 2 d'ordonner les transactions de manière juste en suivant des règles prédéfinies tout en décentralisant le séquenceur. L'idée est d'utiliser un environnement d'exécution de confiance (TEE) qui permet d'encrypter la mempool et de garantir que les transactions qui y sont envoyées sont exécutées de façon juste.
Pour plus de détails sur les différentes méthodes d'encryptage et leurs limites, vous pouvez consulter notre analyse à leur sujet.
.png)
Garantir l'arrangement des transactions en fonction des frais de priorité permet par ailleurs aux applications de récupérer la majorité de la MEV générée par leurs utilisateurs en mettant en place une « taxe MEV ».
De son côté, Arbitrum envisage la mise en place de Timeboost, introduisant deux voies distinctes de transactions :
- Voie normale : les transactions subissent un court délai (par défaut de 200 ms), mais leur traitement reste inchangé — elles sont exécutées dans leur ordre d'arrivée.
- Voie express : les transactions dans cette voie ne subissent aucun délai.
Les acteurs sophistiqués souhaitant réaliser des arbitrages participent à des enchères minutaires pour obtenir le droit exclusif d'utiliser la voie express pendant la minute suivante. Les frais d'accès à cette voie sont versés à la trésorerie de la DAO. Ce modèle semble davantage bénéficier à la chaîne qu'à ses applications.
Sur Solana, Jito a développé son propre client pour les validateurs du réseau ainsi que son token de staking liquide, JitoSOL. Jito organise des enchères d'espace de blocs pour garantir aux chercheurs l'inclusion de lots de leurs transactions, leur évitant ainsi de spammer le réseau dans l'espoir que toutes leurs transactions soient exécutées.
Sur Ethereum, Sorella Labs développe Angstrong, un DEX basé sur Uniswap V4, qui utilise le concept d'Application Specific Sequencing (ASS). L'ASS permet à une application d'organiser elle-même l'ordre de ses transactions au sein d'un lot. Si cet ordre est modifié par le constructeur de bloc, toutes les transactions sont annulées. Cela contraint le constructeur à maintenir l'ordre correct des transactions, sous peine de manque à gagner, et permet à l'application d'internaliser la majeure partie de la MEV qu'elle génère.
Le principal inconvénient de l'ASS est la perte partielle de composabilité entre les applications, puisque les transactions qui les concernent ne sont plus ordonnées selon une logique commune (pour plus de détails, consultez cet article).
Conclusion
Nous avons constaté que la MEV est un phénomène impossible à supprimer au sein des blockchains, car il s'agit d'opportunités de gains qui seront toujours saisies d'une manière ou d'une autre. Il est préférable qu'il existe une chaîne de valeur avec une organisation claire, car dans le cas contraire, on assiste à des spams de transactions et l'activité devient plus opaque.
L'un des objectifs majeurs d'une blockchain est de parvenir à une organisation équitable des transactions grâce à des règles prédéfinies et une forte résistance à la censure qui garantissent l'application de ces règles.
Les opportunités de MEV sont toutes créées par les utilisateurs de la DeFi, que ce soit à travers des swaps, de l'apport de liquidité au sein des DEX ou des prêts réalisés sur des plateformes de lending. Il semble donc logique que les évolutions du secteur tendent vers une situation où la majeure partie de la MEV puisse être redistribuée à ces mêmes utilisateurs.
Les applications ont tout intérêt à internaliser au mieux la MEV générée par leurs utilisateurs afin de la leur redistribuer si elles veulent rester attractives et développer leur activité. Le défi consiste à trouver le bon équilibre entre composabilité et internalisation de la MEV, ce qui varie selon le type d'application.
Dans tous les cas, il semble que la MEV constituera une part de plus en plus réduite dans les revenus des stakers des différentes blockchains.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


