Euro numérique : la BCE tentée par les blockchains publiques

Alors que les États-Unis accélèrent sur les stablecoins dollars, l’institution dirigée par Christine Lagarde veut aller plus vite sur l'euro numérique. Selon le Financial Times, celui-ci pourrait finalement, lui aussi, être déployé sur des blockchains publiques comme Ethereum ou Solana.
Un vent nouveau souffle-t-il sur Francfort ? Après plus de deux ans de réticence face à la blockchain, la Banque centrale européenne (BCE) semble infléchir sa position, révèle ce vendredi le Financial Times.
L’institution envisagerait même de lancer son euro numérique sur des blockchains publiques telles qu’Ethereum et Solana. "Toutes les options sont sur la table", confirme une source proche du dossier.
Ce revirement stratégique intervient alors que les États-Unis renforcent leur avance avec les stablecoins en dollars, déjà massivement utilisés sur les blockchains publiques.
En juillet, conformément à sa promesse de campagne, le président Donald Trump a fait adopter le Genius Act, qui établit un cadre réglementaire clair pour les stablecoins. Le texte, bien accueilli par l’écosystème américain, impose des réserves obligatoires (chaque stablecoin devant être intégralement adossé à des actifs liquides comme les bons du Trésor), la publication mensuelle de rapports audités ainsi qu’un audit annuel indépendant.
Si Christine Lagarde et son équipe optaient à leur tour pour une infrastructure publique, ce serait un tournant majeur. "Les blockchains publiques sont les nouvelles autoroutes du paiement : il est essentiel d’y être présent", souligne un expert du secteur.
Un euro numérique sur blockchain publique pourrait ainsi devenir un rival sérieux des géants américains Visa, Mastercard ou Stripe, eux aussi engagés dans cette course technologique.
Vie privée et financement
Mais deux défis de taille demeurent.
Le premier touche à la protection de la vie privée. Beaucoup craignent que l’euro numérique, quelle que soit son architecture, n’entraîne des risques accrus de traçabilité et de surveillance. Début août, Christine Lagarde le décrivait comme une forme de "cash numérique". Or, contrairement au billet physique, il serait inévitablement traçable. "Cela pourrait nous rapprocher d’un système à la chinoise", prévient le dirigeant d’une entreprise crypto.
Le second défi est structurel : contrairement aux stablecoins en dollars, l’euro numérique ne jouerait pas de rôle direct dans le financement de la dette européenne. Chaque USDC ou USDT émis correspond aujourd’hui à un dollar investi dans des bons du Trésor américain, générant des centaines de milliards qui financent directement l’État fédéral, comme le montrent les données de The Big Whale.

L’euro numérique, lui, repose sur son statut de monnaie légale et les actifs de la BCE, mais sans un système de 1 pour 1 (le bilan de la BCE est composé de titres de dette, d'or et de quelques autres actifs).
"Il manquerait donc à l'euro numérique cette dynamique vertueuse entre épargne privée, marchés de capitaux et souveraineté monétaire", souligne de son côté un banquier qui, comme beaucoup d'autres, critiquent l'arrivée d'un potentiel euro numérique. "En plus il coûterait de l'argent aux banques qui vont devoir en assurant une partie du fonctionnement", ajoute-t-il.
En définitive, si un euro numérique sur blockchain publique permettrait de combler une partie du retard européen en matière de paiements innovants, une question cruciale demeure : où sont les stablecoins en euros capables d’assumer, pour l’Europe, le rôle stratégique que les stablecoins en dollars remplissent déjà pour les États-Unis ?
Quelques initiatives existent - SG Forge (filiale crypto de Société Générale), Schuman Financial, AllUnity ou encore Circle - mais elles peinent à s’imposer face à une réglementation MiCA jugée par beaucoup trop contraignante, notamment sur la gestion des réserves.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


