Ethereum : Quel est le modèle économique d'un layer 2 ?

Ethereum : Quel est le modèle économique d'un layer 2 ?

Face aux limites des layers 1 saturés et aux frais prohibitifs qui freinent l’adoption, les layers 2 se positionnent comme des solutions incontournables. Mais derrière leur promesse de scalabilité et de coûts réduits, une question essentielle se pose : comment ces infrastructures novatrices parviennent-elles à assurer leur viabilité économique tout en dynamisant l’écosystème blockchain ?

L'analyse des tendances récentes révèle une problématique structurelle majeure dans l'écosystème blockchain : la scalabilité des layers 1. Face à l'adoption croissante des applications décentralisées (dApps) et des NFT, ces infrastructures fondamentales montrent leurs limites.

Les données sont éloquentes : la saturation des réseaux layer 1 entraîne une spirale inflationniste des frais de transaction, créant un véritable frein à l'adoption massive de la technologie blockchain. Un cas particulièrement marquant s'est produit en 2022, où les utilisateurs d'Ethereum ont dû débourser jusqu'à 197 dollars pour une simple transaction - un montant prohibitif qui illustre parfaitement l'ampleur du défi.

L'émergence des solutions de layer 2 marque un tournant décisif dans l'évolution de l'écosystème blockchain. Face aux limitations structurelles des réseaux principaux, ces protocoles se positionnent comme des catalyseurs d'innovation, offrant une scalabilité accrue tout en maintenant des coûts de transaction compétitifs.

L'analyse de leur développement révèle une sophistication croissante de leurs modèles économiques. Ces plateformes ont su construire des écosystèmes financiers autonomes, articulant habilement leurs sources de revenus avec leurs structures de coûts, tout en établissant des mécanismes de distribution des bénéfices qui reflètent leur vision de la décentralisation.

Qu'est-ce qu'un layer 2 ?

Dans un contexte où la scalabilité devient un enjeu majeur pour l'industrie blockchain, les solutions de layer 2 émergent comme une réponse innovante aux limitations des réseaux principaux. Ces protocoles, fonctionnant en symbiose avec des blockchains comme Ethereum, représentent une évolution significative dans l'architecture des systèmes décentralisés.

L'analogie est parlante : les layer 2 agissent comme des intermédiaires sophistiqués, optimisant l'utilisation de l'espace blockchain. En délocalisant le traitement des transactions vers des infrastructures parallèles, ils parviennent à démultiplier les capacités des réseaux principaux tout en préservant leur intégrité sécuritaire.

Notre analyse du paysage technologique révèle trois approches distinctes :

  • Les rollups se positionnent comme la solution la plus prometteuse, avec deux variantes majeures : les Optimistic Rollups, privilégiant la simplicité d'implémentation, et les ZK-Rollups, misant sur la puissance des preuves cryptographiques pour garantir l'intégrité des données.
  • Les sidechains adoptent une approche plus autonome, développant leurs propres mécanismes de consensus tout en maintenant un lien vital avec la blockchain principale.
  • Les state channels, quant à eux, représentent une solution plus spécialisée, particulièrement adaptée aux interactions répétées entre parties identifiées.

Le modèle économique des layer 2 : les sources de revenus

Frais de transaction

Les layer 2 se rémunèrent principalement par les frais de transaction payés par les utilisateurs pour chaque opération effectuée sur le layer 2. Ces frais couvrent le coût d'exécution des transactions sur le L2 et le coût de publication des données agrégées sur le L1. En récupérant une part de ces frais, les opérateurs des layer 2 peuvent se financer.

Chaque transaction traitée sur un L2 génère un revenu, même si les frais individuels sont plus bas que sur le L1. La fréquence élevée des transactions et l’agrégation des frais permettent aux layer 2 de maintenir une rentabilité. Les technologies utilisées, comme les Optimistic Rollups et les ZK-Rollups, influencent la structure des coûts et donc le modèle de revenu, chaque technologie ayant des exigences spécifiques en matière de validation et de publication des données.

Par conséquent, les layer 2 se rémunèrent par l'accumulation de petits frais appliqués à chaque transaction, ce qui, à grande échelle, soutient la viabilité financière de leur modèle économique.

Par exemple, d'après les données de Token Terminal, Arbitrum, l'un des layer 2 les plus utilisés sur Ethereum, a généré 59,3 millions de dollars de revenus au cours de l'année écoulée grâce aux frais de transaction payés sur sa plateforme.

Staking et sécurité

Le staking est essentiel à la sécurité de certains layers 2, notamment ceux utilisant des Optimistic Rollups. Les validateurs verrouillent des tokens en garantie, ce qui les incite à agir honnêtement. En cas de fraude, ils risquent de perdre leur mise, assurant ainsi l’intégrité du réseau.

Sur le plan économique, le staking génère des récompenses pour les validateurs, souvent issues des frais de transaction ou sous forme de tokens natifs. Cette dynamique crée un cercle vertueux : elle favorise la sécurité, renforce la confiance des utilisateurs et stimule l’activité sur le layer 2, augmentant ainsi les revenus de l’écosystème.

De plus, en réduisant l’offre en circulation, le staking peut augmenter la valeur des tokens, ce qui attire davantage d’investisseurs et renforce l’écosystème.

Émission de tokens

L’émission de tokens natifs est un élément clé du modèle économique des layer 2, combinant financement initial, incitations économiques et engagement communautaire. Par exemple, Polygon utilise son token POL (anciennement MATIC) pour couvrir les frais de transaction et récompenser les validateurs ainsi que les participants actifs au réseau.

Lors de leur lancement, ces tokens servent à lever des fonds en étant vendus à des investisseurs initiaux avant leur introduction sur les marchés secondaires. Cela attire les investisseurs, séduits par le potentiel de valorisation des tokens. Par exemple, le layer 2 Ethereum Morph a levé avec succès 20 millions de dollars en mars 2024 lors d’un seed round, soutenu par des acteurs majeurs comme Pantera Capital et Dragonfly Capital, avec une pré-valorisation de 200 millions de dollars.

Par la suite, les layer 2 exploitent leurs tokens comme source directe de revenus. Les utilisateurs doivent les détenir et les utiliser pour régler les frais de transaction, assurant une demande continue et une circulation active des tokens.

Au-delà de leur rôle économique, les tokens des layer 2 renforcent l’engagement communautaire. Ils offrent des droits de gouvernance et, dans certains cas, permettent une exposition directe ou indirecte aux revenus générés par le réseau. Par exemple, Optimism utilise son token OP pour impliquer sa communauté dans des décisions stratégiques, comme l’évolution technique ou l’allocation des ressources.

Les revenus collectés par le séquenceur ou d’autres activités du layer 2 peuvent être redistribués à la communauté via des décisions prises par la gouvernance. Par exemple, les détenteurs de tokens peuvent voter pour décider si les revenus doivent être réinvestis dans le développement, distribués sous forme de récompenses ou utilisés pour financer des projets d’écosystème.

Subventions et financement

Les layer 2 bénéficient de subventions et de financements, notamment lors de leurs phases de lancement. La Fondation Ethereum, par exemple, accorde des subventions pour soutenir les initiatives de scalabilité, aidant les layer 2 à se développer, à attirer des développeurs et à renforcer leur infrastructure technologique.

En parallèle, de nombreux layer 2 attirent des financements significatifs de fonds d’investissement et de VCs, séduits par leur potentiel dans l’écosystème blockchain. Ces fonds permettent de financer la recherche, le développement, le marketing et les infrastructures nécessaires à leur expansion. Par exemple, des projets comme Optimism et Arbitrum ont levé des fonds privés pour accélérer leur croissance et se positionner comme leaders de la scalabilité.

Revenus du séquenceur

Le séquenceur est un pilier fondamental du modèle économique des layer 2, jouant un rôle central dans l’organisation et l’agrégation des transactions. Il regroupe les transactions des utilisateurs en "lots", les compresse, puis les transmet au layer 1 pour validation finale. Ce processus permet de diminuer le nombre de transactions à inscrire sur la chaîne principale, réduisant ainsi les frais de transaction et accélérant les délais de traitement.

En fonction du type du layer 2, les séquenceurs peuvent être centralisés, décentralisés ou partagés. Par exemple, Arbitrum et Optimism utilisent des séquenceurs centralisés pour une exécution rapide et efficace, mais cette centralisation comporte des risques, tels que des points de défaillance uniques ou des risques de censure. À l’opposé, les séquenceurs décentralisés répartissent les responsabilités entre plusieurs nœuds, offrant plus de sécurité et de transparence, mais à un coût potentiellement plus élevé. Les séquenceurs partagés, comme Espresso, représentent une approche hybride mutualisant l’infrastructure entre plusieurs layer 2, réduisant les coûts et facilitant l’interopérabilité entre réseaux.

Le séquenceur génère des revenus pour les layer 2 en percevant une part des frais de transaction payés par les utilisateurs. Ces frais couvrent le traitement des transactions sur le layer 2 et une partie des coûts de publication sur le layer 1. Par exemple, Base, le layer 2 de Coinbase, a généré plus de 26.000 ETH depuis son lancement grâce aux revenus de son séquenceur (Dune).

Dans les modèles de gouvernance décentralisée, les détenteurs de tokens influencent souvent l’allocation des revenus du séquenceur via des votes, garantissant une gestion collective et transparente des fonds. En résumé, le séquenceur est non seulement essentiel pour le fonctionnement technique des layer 2, mais il constitue aussi une source majeure de revenus, directement liée à la durabilité économique et à la croissance de ces réseaux.

Les coûts des L2

Le modèle économique des layer 2 comporte également des coûts spécifiques liés à leur fonctionnement. Ces coûts varient selon le type de technologie utilisé et les méthodes de traitement et de sécurisation des transactions.

Coût de publication

Le coût de publication des données est une charge majeure pour les layer 2, car chaque transaction doit être résumée et enregistrée sur la blockchain principale (L1).

Les Optimistic Rollups publient des données avec une période de défi pour contester d’éventuelles fraudes, tandis que les ZK-Rollups utilisent des preuves cryptographiques, réduisant le besoin de défi mais augmentant les coûts de calcul.

L'impact de ces coûts peut être illustré par l'exemple d'Arbitrum. En effet, selon Foresight News et les données de Token Terminal, Arbitrum, l'un des layer 2 les plus populaires, a généré 72,8 millions de dollars de revenus en 2023 grâce aux frais de transaction. Cependant, 53,2 millions de dollars de ce montant ont été utilisés pour couvrir les frais de publication sur Ethereum. Ces coûts sont directement attribués aux détenteurs d’ETH et non à ceux du token ARB, soulignant l’importance de ces dépenses pour les opérations des L2.

Cependant, l’introduction de l’EIP-4844 sur Ethereum lors de la mise à jour Dencun, le 13 mars 2024, a marqué une avancée significative dans la réduction des coûts de publication. Grâce à sa technologie de "blobs", cette mise à jour a optimisé le traitement des données compressées, améliorant ainsi l’efficacité et la rentabilité des layer 2.

Coût des preuves

Le coût des preuves représente les ressources nécessaires pour garantir la validité des transactions avant ou après leur publication sur le layer 1.

Cela inclut des dépenses en calcul, en temps et en opportunité économique. Dans le cas des Optimistic Rollups, aucune preuve immédiate n’est requise pour chaque transaction. Cependant, une période de défi est nécessaire, pendant laquelle des acteurs du réseau doivent surveiller et contester d’éventuelles transactions frauduleuses. Ce mécanisme engendre des frais liés à l’infrastructure pour surveiller et gérer ces défis, ainsi qu’un coût d’opportunité en raison du délai prolongé pour finaliser les transactions.

En revanche, les ZK-Rollups s’appuient sur des preuves cryptographiques pour valider chaque transaction avant sa publication. Bien que cette méthode assure une meilleure sécurité et une finalité rapide, elle repose sur des algorithmes complexes nécessitant une puissance de calcul élevée. Cela entraîne des coûts opérationnels plus importants.

Coût de la congestion et de la computation

Le coût de la congestion et de la computation est un autre facteur important. En période de forte activité, les layer 2 doivent faire face à une plus forte congestion, ce qui peut entraîner une hausse des frais pour l’accès à l’espace de blocage du L1.

De plus, les opérateurs doivent disposer d’une infrastructure matérielle performante pour traiter les transactions rapidement, ce qui augmente les frais d’exploitation, notamment en termes de consommation énergétique et de puissance de calcul. Les périodes de congestion impactent particulièrement les Optimistic Rollups, où les délais peuvent s'allonger et les frais augmenter lorsque le marché des frais ajuste les prix pour réguler la demande.

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