Ethereum : vers un vrai retournement de cycle ?

Le prix d’ETH s’est envolé de plus de 40 % en quelques jours, porté par une série de signaux techniques et macroéconomiques. Ce rebond marque-t-il le début d’un nouveau cycle ou reste-t-il un simple sursaut conjoncturel ?
Le prix d’Ethereum a bondi de plus de 40 % en quelques jours, ravivant l’intérêt des investisseurs pour le deuxième plus gros actif du marché. Ce regain d’attention coïncide avec plusieurs signaux positifs, à commencer par la mise à jour “Pectra”, déployée le 7 mai dernier.
Reste à savoir si cette progression marque un véritable retour des fondamentaux ou un mouvement essentiellement spéculatif.
Pectra, un tournant technique (et peut-être de marché)
Annoncée de longue date, la mise à jour Pectra introduit plusieurs évolutions structurantes pour Ethereum. L’une des principales concerne les comptes abstraits, ou “smart accounts”, qui offrent une meilleure expérience utilisateur : certaines adresses peuvent désormais fonctionner comme des smart contracts, facilitant la gestion des fonds, des autorisations et des transactions.
Autre changement notable : la capacité de dépôt des validateurs passe de 32 à 2048 ETH, un ajustement majeur pour les opérateurs d’infrastructures. L’objectif est d’optimiser l’efficacité du staking sans compromettre la sécurité du réseau.
Enfin, la mise à jour améliore l’intégration des blobs, ces paquets de données essentiels au fonctionnement des solutions de couche 2 (rollups). Concrètement, cette évolution permet une meilleure scalabilité et une baisse des frais pour les utilisateurs de L2.
>> Tout savoir sur les changements de Pectra
Dans les heures suivant cette mise à jour, le prix d’ETH est passé de 1 800 à 2 600 dollars, soit une hausse de plus de 40 %. À titre de comparaison, Bitcoin a gagné environ 7 % sur la même période, et Solana 23,5 %.
Un écart qui interroge, d’autant qu’il est rare qu’une mise à jour d’Ethereum provoque une réaction aussi immédiate sur le marché. Le phénomène du “sell the news” n’a visiblement pas eu lieu cette fois-ci.
.png)
Mais peut-on réellement attribuer cette dynamique haussière à la seule mise à jour Pectra ? Un retour sur le contexte plus large est nécessaire.
Ethereum rattrape-t-il (enfin) son retard sur Bitcoin ?
Depuis plusieurs mois, Ethereum sous-performait nettement face à Bitcoin. Au 8 mai 2025, la paire ETH/BTC touchait un point bas inédit depuis 2019, traduisant une sous-valorisation relative rarement observée. Or, historiquement, de tels niveaux ont souvent précédé une phase de rattrapage.

Entre fin décembre 2024 et avril 2025, ETH avait perdu jusqu’à 66 % de sa valeur, contre un recul de 31 % pour Bitcoin sur la même période. Autrement dit, Ethereum faisait partie des actifs majeurs les plus pénalisés en début d’année, avant de rebondir plus violemment ces dernières semaines.
Le rôle limité des ETF pour l’instant
Ce regain ne semble pas directement lié aux flux sur les ETF Ethereum. Depuis le 25 avril, ces produits enregistrent bien des entrées nettes, mais dans des proportions modestes : environ 13,5 millions de dollars, un chiffre loin d’un engouement massif. L’explication du rebond est donc à chercher ailleurs.

Un facteur alimente néanmoins la spéculation : la perspective d’un ETF Ethereum intégrant le staking. Ce type de produit permettrait aux investisseurs de capter les revenus générés par la sécurisation du réseau (environ 3 % par an actuellement), en plus de l’exposition au prix de l’actif. À ce jour, aucun ETF de ce type n’existe aux États-Unis (c’est déjà le cas sur les ETPs européens).
Des acteurs comme Blackrock se sont déjà positionnés sur le sujet, tandis que la plateforme boursière Cboe BZX a officiellement déposé une proposition pour permettre au 21Shares Core Ethereum ETF d’intégrer une fonction de staking.
Aucune approbation n’a encore été donnée, mais l’idée progresse dans les cercles institutionnels. Et c’est probablement cette anticipation, davantage que des flux concrets, qui soutient pour l’instant la dynamique d’ETH.
>> Accédez à nos dashboards ETF
Un climat macro plus porteur pour les actifs à risque
Au-delà des aspects techniques liés à Ethereum, le contexte économique et géopolitique joue lui aussi un rôle non négligeable dans la récente appréciation du prix d’ETH. Plusieurs signaux venus du monde traditionnel contribuent à un regain d’appétit pour le risque, dont les cryptomonnaies bénéficient directement.
Apaisement des tensions entre Washington et Pékin
Les marchés ont réagi positivement à l’annonce d’un accord entre les États-Unis et la Chine sur une réduction des droits de douane. Ce rapprochement, après des mois de tensions commerciales, renforce la visibilité sur les échanges internationaux et atténue les craintes d’un conflit économique durable. Pour les investisseurs, cela se traduit par un environnement jugé plus stable et propice à la prise de position sur des classes d’actifs plus volatiles.
Vers une désescalade en Ukraine ?
Autre élément de contexte : les négociations entamées autour d’un potentiel accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Après plus de trois ans de guerre, des signaux diplomatiques encourageants commencent à émerger. Une désescalade dans cette zone aurait des répercussions sur plusieurs fronts : énergie, logistique, stabilité politique. Et mécaniquement, une baisse des tensions géopolitiques tend à favoriser un retour de la confiance sur les marchés.
L’inflation américaine sous contrôle
Côté macroéconomie, les chiffres d’inflation publiés aux États-Unis renforcent également l’optimisme ambiant. En avril 2025, l’indice des prix a reculé à 2,3 %, se rapprochant de la cible de 2 % fixée par la Fed. Cette dynamique alimente les anticipations d’un assouplissement monétaire progressif dans les mois à venir. Une politique de taux plus accommodante signifie plus de liquidités disponibles, ce qui bénéficie généralement aux actifs à fort potentiel de rendement — comme les cryptos.

En somme, la hausse récente d’ETH ne repose pas uniquement sur des fondamentaux internes à l’écosystème. Elle s’inscrit aussi dans un environnement économique global plus détendu, qui favorise la réallocation de capitaux vers les actifs risqués.
Ethereum Foundation : un recentrage stratégique assumé
Le 8 mai 2025, au moment même où ETH enregistrait sa plus forte progression journalière depuis plus d’un an, la Fondation Ethereum publiait son rapport trimestriel. Ce document, souvent scruté mais rarement mis en avant dans le débat public, illustre une évolution plus profonde : un repositionnement stratégique qui combine transparence, rigueur budgétaire et réaffirmation du lien avec la communauté.
Une gestion de trésorerie plus alignée avec l’écosystème
Au premier trimestre 2025, la fondation a alloué 32,6 millions de dollars à travers 101 projets via son programme de financement ESP. Un chiffre important qui traduit une volonté de soutenir activement l’innovation sur Ethereum, en particulier dans les couches techniques, les outils de développement et la recherche.
Mais c’est surtout sur la gestion de ses propres actifs qu’un tournant semble s’opérer. Longtemps critiquée pour ses ventes ponctuelles d’ETH, la Fondation a opté pour une approche différente : au lieu de vendre, elle a déployé 45 000 ETH (environ 112 millions de dollars) sur des protocoles de finance décentralisée (Aave, Compound, Spark), générant un rendement annuel estimé à 1,5 %. Une stratégie qui permet à la fois de soutenir les piliers de la DeFi, de générer des revenus passifs (environ 1,8 million de dollars par an) et de limiter la pression vendeuse sur le marché.
Un nouveau cadre de gouvernance
Sur le plan organisationnel, la Fondation a entamé un recentrage. Depuis la nomination de Tomasz K. Stańczak comme co-directeur exécutif, les rôles au sein de l’organisation ont été redéfinis. L’un des objectifs est de libérer Vitalik Buterin des tâches opérationnelles, afin qu’il puisse se concentrer sur la recherche et les enjeux de long terme.
Vitalik Buterin a d’ailleurs multiplié les prises de parole ces dernières semaines. Il propose notamment d’explorer l’adoption de RISC-V, une architecture open source susceptible de renforcer les performances des zkVM, ces machines virtuelles compatibles avec les preuves à connaissance nulle.
Il a aussi publié, le 19 mai, un article présentant des pistes pour améliorer la scalabilité de la couche 1, avec des propositions comme l’augmentation des limites de gaz ou encore l’introduction des « nœuds partiellement sans état ».
L’EIP-4444, de son côté, prévoit de limiter les nœuds à 36 jours de données historiques, dans le but de rendre le réseau plus accessible aux utilisateurs qui souhaitent opérer un nœud personnel.
Autre signe d’ouverture : la publication récente d’un organigramme détaillant la structure interne de la Fondation. Ce document, réclamé de longue date par la communauté, marque un effort de transparence salué par les observateurs. Il clarifie les responsabilités et donne une meilleure visibilité sur les leviers de décision au sein de l’organisation.
>> Ethereum Foundation : Une organisation essentielle mais contestée
>> Jérôme de Tychey : “Mes propositions pour la fondation Ethereum”
Ethereum entre dans une phase d’exécution
Au-delà des débats théoriques et des propositions de long terme, la Fondation Ethereum semble déterminée à ancrer ses efforts dans des résultats tangibles. Plusieurs chantiers sont désormais priorisés : la scalabilité de la couche 1, le soutien aux solutions de couche 2, et l’amélioration de l’expérience utilisateur. L’objectif est clair : faire d’Ethereum une infrastructure plus performante, plus fluide, et plus accessible.
>> Ethereum : Quel est le modèle économique d'un layer 2 ?
Fusaka, le tournant vers le danksharding
La prochaine étape s’appelle “Fusaka”. Cette mise à jour introduira PeerDAS (Peer-to-Peer Data Availability Sampling), un mécanisme de validation décentralisée de la disponibilité des données. Concrètement, les nœuds ne seront plus obligés de stocker l’intégralité des données associées aux transactions (blobs), mais pourront valider aléatoirement des fragments. Cela réduit fortement les besoins en stockage et en bande passante, tout en assurant l’intégrité des données.
Fusaka permettra également d’augmenter le nombre de blobs par bloc de 6 à 48, ce qui revient à élargir considérablement l’espace disponible pour les rollups. L’impact attendu est majeur : des frais réduits, des performances accrues, une meilleure expérience utilisateur — sans compromettre la décentralisation du réseau.
Avec cette mise à jour, la couche 1 d’Ethereum pourrait théoriquement traiter jusqu’à 3 500 opérations par seconde contre environ 15 actuellement (1 200 enregistrées en moyenne sur Solana). Un pas important pour une chaîne qui se veut l’infrastructure de règlement de l’économie numérique.
Glamsterdam, pour consolider l’ensemble
Prévue après Fusaka, la mise à jour Glamsterdam devrait poursuivre cette logique d’optimisation. Elle se concentrera sur l’amélioration des performances globales, notamment la réduction des coûts de transaction, l’optimisation de la consommation de gas, et une meilleure interopérabilité entre la couche 1 et les L2.
L’idée est de rendre les interactions entre utilisateurs et solutions de rollups plus fluides, en rapprochant encore un peu plus ces extensions du cœur du protocole Ethereum. À ce stade, peu d’éléments concrets ont été dévoilés, mais l’objectif reste le même : faire d’Ethereum un système modulaire, capable de gérer la croissance de son écosystème sans créer de goulots d’étranglement.
>> État du marché crypto : les premiers gagnants de 2025
Une communication revue pour toucher un public plus large
Autre évolution notable : la communication de la Fondation Ethereum s’est professionnalisée. Plus régulière, plus accessible et plus tournée vers l’extérieur, elle s’appuie principalement sur X (anciennement Twitter) pour partager des contenus jusqu’ici réservés à un public averti.
Désormais, les avancées techniques sont résumées de manière pédagogique, les roadmaps sont publiées avec des visuels synthétiques, et les annonces visent aussi bien les développeurs que les institutionnels. Le 14 mai, la Fondation a ainsi présenté un nouveau plan intitulé “Trillion Dollar Security”, avec l’ambition affichée d’augmenter la valeur totale verrouillée (TVL) dans l’écosystème. Ce type d’initiative, auparavant peu mis en avant, traduit une volonté de s’adresser à une audience plus large.
Dans cette même logique d’ouverture, la Fondation soutient Etherealize, une organisation dont la mission est de créer des passerelles entre Ethereum et les acteurs de la finance traditionnelle. Ce soutien n’a rien d’anodin : il s’inscrit dans un effort plus global de repositionnement stratégique, où transparence, accessibilité et pédagogie sont devenus des leviers de gouvernance à part entière.
À travers ces signaux, c’est une fondation en transition que l’on observe : moins centrée sur l’ingénierie pure, plus attentive aux besoins de l’écosystème dans son ensemble.
>> Vivek Raman (Etherealize) : “Nous sommes en train de lever des fonds auprès d’acteurs privés”
L’avis de The Big Whale
La récente envolée d’ETH ne tient pas à un seul facteur. Il serait simpliste de n’y voir qu’un effet d’annonce ou un emballement passager. Cette hausse rapide s’inscrit dans un alignement de signaux — techniques, macroéconomiques, communautaires et structurels — qui convergent au bon moment.
La mise à jour Pectra constitue un jalon technique important, au moment même où le climat économique mondial semble se détendre. L’inflation, en baisse constante aux États-Unis, redonne de la marge à la prise de risque. En parallèle, la Fondation Ethereum réaffirme son rôle avec une posture plus proactive : des choix budgétaires plus prudents, un soutien plus clair à la DeFi, une gouvernance clarifiée, et une communication qui cherche à fédérer au-delà du cercle habituel.
Enfin, sur le plan des marchés, ETH évoluait dans une zone de prix historiquement basse face au BTC, ce qui a pu amplifier le mouvement haussier dès que les premiers signaux de reprise sont apparus.
Plutôt qu’un simple rebond spéculatif, c’est peut-être le signe d’une nouvelle phase pour Ethereum — plus structurée, plus lisible, et plus alignée avec les attentes du marché.
>> L’analyse fondamentale d’Ethereum (juin 2024)
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


