Morpho vs Euler : le match du lending modulaire

Morpho vs Euler :  le match du lending modulaire

Le lending décentralisé entre dans une nouvelle ère. Deux protocoles s’affrontent pour en dessiner les contours : Morpho et Euler, l’un misant sur la liberté totale, l’autre sur l’ingénierie sur-mesure.

Dans la jungle de la finance décentralisée (DeFi), les protocoles de lending ont une mission simple en apparence : connecter ceux qui ont du capital à ceux qui en ont besoin. Le tout, sans intermédiaire, sur une infrastructure partagée et transparente.

Mais derrière ce principe commun, les stratégies divergent.

Tandis que les acteurs historiques comme Aave optent pour des architectures centralisées et prudentes, une nouvelle génération de protocoles comme Morpho et Euler V2 mise sur une approche modulaire, flexible et ouverte, reposant sur des “curateurs” de marchés.

Morpho et Euler ne se contentent pas de jouer les alternatives. Ils incarnent une rupture.

Lending monolithique : Aave

Aave, c’est le mastodonte du secteur. Et son architecture reflète sa position. Dans son modèle, la liquidité est concentrée dans de grands marchés unifiés, gouvernés centralement. L’idée : mutualiser les dépôts, mutualiser les risques, mutualiser les rendements. En clair, si vous déposez sur Aave, vous participez à une gigantesque piscine où gains comme pertes sont partagés entre tous.

Ce modèle a l’avantage de la simplicité et de la robustesse. Il permet de sécuriser des milliards d’actifs, de garantir une certaine prévisibilité… mais il impose aussi une rigueur extrême :

  • Le risque mutualisé impose une sélection drastique des actifs : uniquement du BTC, de l’ETH, ou des stablecoins.
  • L’innovation est bridée : avec une TVL supérieur à 20 milliards de dollars, le moindre changement doit être validé, audité, verrouillé.
  • Les actifs de niche, les stratégies expérimentales, ou les produits tokenisés du monde réel restent aux portes.

Résultat : Aave est un géant. Mais un géant qui marche lentement.

>> Avec Horizon, Aave rejoue sa carte institutionnelle

>> Le fee switch arrive sur Aave : combien les stakers peuvent-ils gagner ?

>> Uniswap, Aave, Sky : Quelles stratégies pour les "OG de la DeFi" ?

Lending modulaire : Morpho et Euler

Face à ce modèle, Morpho et Euler adoptent une philosophie radicalement différente.

Leur vision ? Offrir un cadre de lending modulaire, dans lequel chaque marché est isolé, personnalisable, et régi par ses propres règles. Fini le grand bain collectif, bienvenue dans l’ère des lending vaults à la carte.

Dans ce système, l’utilisateur devient aussi architecte. Il peut créer des marchés spécialisés, fixer ses paramètres de risque, définir les mécanismes de liquidation et choisir ses oracles.

Un exemple ? Créer un marché de lending entre du Pendle Principal Token (PT-stETH) et de l’USDC, en utilisant l’infrastructure d’Euler V2. Ce genre de stratégie, impossible sur un protocole comme Aave, devient ici triviale.

Ce tournant curator-based ouvre un nouveau champ des possibles :

  • L’émergence de marchés de niche pour les actifs plus exotiques.
  • Des stratégies de rendement ou de levier hautement personnalisées.
  • Une innovation accélérée sur les mécanismes de taux et de collatéralisation.
  • Une capital efficiency boostée, grâce à la spécialisation des marchés.

Mais si Morpho et Euler partagent cette philosophie modulaire, leurs mises en œuvre sont loin d’être identiques. Et c’est dans les détails que se joue la bataille.

Le design de Morpho

Morpho ne se contente pas de proposer un protocole de lending. Il construit un socle neutre, modulaire, permissionless, sur lequel chacun peut bâtir ses propres marchés. Une infrastructure aussi dépouillée que puissante, qui tranche avec la verticalité des acteurs historiques.

Le cœur du protocole ? La possibilité pour n’importe qui de créer un marché de lending. Vous pensez qu’il existe une demande pour prêter du wstETH contre du collateral en USDC ? Créez votre marché. Fixez vous-même les actifs concernés, le modèle de taux, les oracles de prix, et les paramètres de liquidation (LLTV). Aucune gouvernance à convaincre, aucun token à voter.

Une logique qui rappelle Uniswap : vous n’avez pas à demander la permission pour lancer un pool de liquidité, vous l’ouvrez, point. La différence ? Ici, c’est du crédit.

Une fois un marché lancé, ses paramètres deviennent immuables. La gouvernance du protocole ne peut ni le geler, ni le modifier. Elle se contente de valider les options disponibles à la création. L’objectif ? Offrir un socle robuste, peu vulnérable, et véritablement décentralisé.

Morpho, c’est 600 lignes de code. Un smart contract unique, minimaliste, pensé pour la sécurité et l’efficience en gas. Pas de surcouche de tokens comme les aTokens d’Aave : le protocole utilise une comptabilité interne. Cette approche permet des flash loans entre marchés, des transactions multi-marchés et une simplification extrême de l’infrastructure.

Les Vaults : pour ne pas perdre l’utilisateur

Mais qui dit modularité dit complexité. Face à la multiplication des marchés isolés, l’expérience utilisateur pourrait vite devenir illisible. Pour éviter ça, Morpho propose une solution : les Morpho Vaults.

Ces vaults ne créent pas de marchés, ils les agrègent. Un vault peut regrouper jusqu’à 30 marchés Morpho existants, en fonction de leur niveau de risque. Exemple :

  • Un “Conservative ETH Vault” n’allouera que sur des marchés très sûrs (blue chips, faible LLTV).
  • Un “High-Yield USDC Vault” pourra viser des marchés plus exotiques, mais plus rémunérateurs.

Chaque Vault est structuré autour de quatre rôles distincts :

  • Owner : le créateur du Vault, qui peut déléguer les rôles.
  • Curator : décide des marchés autorisés, fixe les caps de dépôt.
  • Allocator : répartit dynamiquement les fonds entre les marchés choisis.
  • Guardian : rôle de sécurité, pouvant bloquer certaines décisions. Souvent incarné par la DAO des déposants.

Les Vaults peuvent fixer des performance fees allant jusqu’à 50 %, prélevées sur les intérêts générés. Ces fees ne vont pas à la DAO Morpho, mais aux propriétaires des Vaults.

Problème classique du lending modulaire : la fragmentation de la liquidité. Morpho y répond avec un mécanisme d’amplification. Quand plusieurs Vaults allouent sur les mêmes marchés, un effet réseau se crée. Les liquidités se concentrent, les marchés deviennent plus profonds. Un marché isolé devient alors… un peu moins isolé.

>> Paul Frambot (Morpho Labs): "Aave est une banque alors que Morpho est une infrastructure pour les banques”

>> Aave vs Morpho : le grand match du lending

Le design d’Euler

Face à Morpho et son architecture minimaliste, Euler choisit une approche tout aussi modulaire, mais bien plus structurée. Là où Morpho donne les clés à tout le monde, Euler construit un système où les briques peuvent s’imbriquer, se connecter, et s’enrichir mutuellement. Bienvenue dans l’ère des credit vaults.

Au cœur d’Euler : des vaults conformes à la norme ERC-4626, mais dopés aux stéroïdes. Ces “credit vaults” ne servent pas à gérer des stratégies de rendement comme sur Yearn ou Beefy. Non : ici, chaque vault devient un marché de lending à part entière, avec sa logique propre de taux, de collatéralisation et de liquidation.

En déposant vos actifs dans un vault, vous pouvez :

  • Les prêter pour générer des intérêts.
  • Les utiliser comme collatéral pour emprunter dans un autre vault.
  • Ou faire les deux en même temps (ce qu’on appelle rehypothecation).

Un concept puissant, qui permet à chaque utilisateur de construire des stratégies complexes à la carte.

Deux modules renforcent cette flexibilité :

  • Euler Vault Kit (EVK) : pour créer un vault de zero.
  • Ethereum Vault Connector (EVC) : pour connecter des vaults entre eux.

Avec l’EVC, vous pouvez faire en sorte qu’un vault reconnaisse les dépôts d’un autre comme collatéral valide. C’est ainsi qu’Euler crée des réseaux de marchés interconnectés, du plus simple au plus sophistiqué :

  • Deux vaults (ETH → USDC) formant un marché isolé.
  • Trois, cinq ou dix vaults reliés dans un système multi-collateral.
  • Des topologies totalement nouvelles, impossibles dans un protocole comme Aave ou même Morpho.

Euler ne se contente pas de fournir une base : il propose un langage de composition du crédit.

Une gouvernance flexible mais asymétrique

Autre force d’Euler : la possibilité de choisir entre deux types de vaults :

  • Governed vaults : avec des curateurs actifs qui ajustent les paramètres (LTV, taux, oracles…).
  • Ungoverned vaults : aux règles figées, créés pour durer sans intervention humaine.

Mais dans les faits, le marché a tranché : plus de 95 % de la TVL est concentrée dans des vaults gouvernés. Loin de fuir la gouvernance, les utilisateurs préfèrent la déléguer à des experts — quitte à renforcer la centralisation.

Deux autres types existent :

  • Escrow vaults : dépôts utilisables uniquement comme collatéral, sans rendement ni emprunt possible.
  • Unverified vaults : vaults créés via EVK, mais sans statut ou rôle particulier.

L’approche modulaire d’Euler s’accompagne d’une infrastructure de gestion du risque très fine :

  • LTV ramping : pour ajuster progressivement les paramètres de collatéralisation, éviter les liquidations brutales.
  • Caps de supply/borrow : pour limiter l’exposition sur certains actifs.
  • Hooks : des fonctions personnalisables, activables en cas de stress (ex : pause du marché, whitelist d’adresses).
  • Oracle agnosticism : comme Morpho, Euler laisse le choix du fournisseur de prix au curateur.

Euler ne vend pas juste du lending. Il propose une boîte Lego du crédit, avec des briques à assembler sous supervision.

>> Analyse : Comment Euler (EUL) construit sa place entre Aave et Morpho

Comparaison des différences entre Morpho et Euler

Si Morpho et Euler partagent une philosophie commune — celle de la finance modulaire et permissionless — leurs exécutions techniques prennent des chemins radicalement différents. Ce sont deux grammaires du lending programmable, chacune avec ses forces, ses angles morts, et ses paris implicites sur l’avenir de la DeFi.

Core primitives

Chez Morpho, les marchés isolés sont l’unité fondamentale. Ils sont créés indépendamment, sans interconnexion native. Les Vaults ne sont qu’une couche secondaire, facultative, construite au-dessus pour agréger ces marchés et lisser l’expérience utilisateur.

À l’inverse, Euler adopte une approche inversée. Ce sont les vaults eux-mêmes qui définissent les marchés. Chaque credit vault porte en lui sa propre logique : actifs acceptés, LTV, taux d’intérêt, oracles. Et ces vaults peuvent fonctionner en silo ou être connectés entre eux via le Vault Connector. Chez Euler, le vault n’est pas une interface, c’est le marché.

Mécanismes de liaison

Morpho relie ses éléments via la liquidité partagée : plusieurs Vaults peuvent allouer des fonds au même marché isolé. C’est cette superposition passive qui crée une profondeur de marché.

Euler, de son côté, tisse un graphe de dépendances actives : chaque vault peut utiliser un autre vault comme collatéral. Cela permet des combinaisons presque infinies et un maillage plus dense des actifs. Résultat : les stratégies de levier, d’arbitrage ou de gestion de risque deviennent plus sophistiquées — et potentiellement plus risquées.

Objectif des vaults

Chez Morpho, les Vaults sont des outils d’agrégation, conçus pour simplifier l’usage des marchés sous-jacents. Ils sélectionnent des marchés, appliquent des règles de répartition, et fixent un profil de risque. Ils facilitent l’accès, mais ne créent pas de valeur financière propre.

Chez Euler, les Vaults sont le cœur du protocole. Ce sont eux qui portent les paramètres du marché, la logique de prêt, et les règles de gouvernance. Ils ne simplifient pas l’usage, ils l’architecturent.

Optimisation de la liquidité

Morpho mise sur la liquidité concentrée par convergence : plusieurs Vaults ciblent les mêmes marchés, ce qui les rend plus profonds. Une logique d’effet réseau passif.

Euler obtient une efficacité de capital par collatéralisation croisée : les actifs dans un vault peuvent être utilisés pour emprunter ailleurs, créant un levier inter-vault. Plus risqué, mais aussi potentiellement plus rentable.

Structure de gouvernance

Morpho fait le choix de l’immuabilité par défaut. Une fois un marché créé, il devient indépendant. La gouvernance du protocole n’y touche plus. La DAO ne sert qu’à approuver les briques disponibles à la création. C’est un modèle décentralisé jusqu’au bout des ongles.

Euler laisse plus de place à l’ingénierie financière. Il propose des vaults gouvernés, où des curateurs ajustent les paramètres en continu — ou des vaults ungoverned, figés à la création. En pratique, plus de 95 % de la TVL est sur des vaults gouvernés. Le marché veut de l’expertise, quitte à abandonner une part de décentralisation.

Comparaison de la croissance de Morpho et Euler

Dans un marché ultra-compétitif comme celui du lending DeFi, la croissance est un révélateur redoutable. TVL, utilisateurs, revenus : ces métriques racontent la vitesse d’adoption, mais aussi la profondeur d’usage. Et sur ce terrain, Morpho et Euler signent deux trajectoires impressionnantes… mais très différentes.

Pénétration du marché

Morpho, lancé bien avant la deuxième version d’Euler, a pris une longueur d’avance massive. Entre mars 2024 et mars 2025, sa TVL est passée de 105 millions à 3 milliards de dollars, soit une croissance de 2 900 % en un an. À lui seul, il capte désormais plus de 10 % du marché du lending, juste derrière Aave.

Euler V2, lancé en octobre 2024, évolue sur une temporalité plus resserrée. Mais sa progression est fulgurante : en moins de six mois, il est passé de 5,93 millions à 333,91 millions de dollars de TVL, soit un bond de 5 530 %. En valeur absolue, il reste 10 fois plus petit que Morpho. Mais en rythme, il crève le plafond.

Adoption

Côté utilisateurs, même dynamique. Morpho est passé de 783 utilisateurs actifs mensuels en mars 2024 à 25 300 un an plus tard. Une multiplication par 32, portée par l’arrivée des Vaults et l’élargissement de l’offre de marchés.

Euler, plus jeune, partait de très bas — 72 utilisateurs actifs en septembre 2024 — pour atteindre 9 200 en mars 2025. Soit 127 fois plus… en seulement six mois. Moins de monde, mais une accélération plus brutale, qui témoigne d’un véritable product-market fit.

Revenus et frais

Morpho a généré 109,7 millions de dollars de frais depuis mars 2024. Mais attention : la totalité de ces frais est reversée aux utilisateurs via les Vaults. Le protocole ne capture rien. C’est un choix assumé, centré sur la croissance et la distribution, mais qui pose la question de la soutenabilité à terme.

Euler, plus pragmatique, a engrangé 3 millions de dollars de frais en six mois, dont 469 000 dollars ont été captés par le protocole. C’est peu, mais c’est déjà un modèle économique opérationnel. Euler mise sur la construction de revenus récurrents à travers un mécanisme de redistribution, que l’on verra plus loin avec le $EUL.

Diversification

Autre signe de maturité : la diversité des marchés. Morpho revendique 491 marchés créés depuis son lancement (chiffres Dune), avec un encours de 2,58 milliards de supply pour 1,98 milliard de borrow. Soit un taux d’utilisation très sain, même si certains marchés restent peu actifs. Le protocole enregistre également 4 160 milliards de dollars de flash loans, preuve de son adoption par les arbitrageurs.

Euler affiche une utilisation plus modérée, avec 508,5 millions en dépôts contre 217,9 millions empruntés, soit 42,8 % de taux d’usage. Une marge de progression importante, mais aussi un gage de stabilité : Euler n’est pas encore sous pression sur la liquidité.

Expansion cross-chain

Sur le front multi-chain, les deux protocoles avancent à leur rythme :

  • Morpho est déployé sur Ethereum et Base. Mais il vient de passer à la vitesse supérieure avec la libération du “Morpho Stack”, sa suite complète de contrats, sur Polygon PoS, Arbitrum, Optimism, Scroll, Ink, World Chain et Fraxtal. Un pas important vers une infrastructure interopérable.
  • Euler fonctionne déjà sur Ethereum, Base et Sonic, avec une stratégie plus progressive mais multi-chain dès le départ.

Comparaison des mécanismes d'accumulation de valeur pour $MORPHO et $EUL

Morpho et Euler ont chacun leur token natif — $MORPHO et $EUL — mais leurs approches en matière de capture de valeur sont diamétralement opposées. L’un parie sur la gouvernance pure, l’autre sur un mix ingénieux de rémunération et de redistribution. Un duel entre vision long terme et efficacité immédiate.

Euler

$EUL est un ERC-20 classique, qui donne à ses détenteurs des droits de gouvernance sur le protocole Euler et sur sa trésorerie DAO. Mais Euler ne s’arrête pas là : le protocole a pensé des mécanismes clairs pour générer de la valeur autour de son token.

Premier étage : les $rEUL rewards, un système de points amélioré. Chaque interaction avec le protocole vous rapporte des rEUL, qui se transforment en $EUL selon une formule simple :

  • 20 % sont débloqués immédiatement.
  • 80 % sont acquis progressivement sur six mois.
  • Si vous retirez trop tôt ? Les jetons restants sont brûlés. Un système de vested burn qui réduit l’offre totale, et récompense les holders patients.

Deuxième étage : la Fee Flow, une innovation maison. Euler collecte des frais dans une multitude d’actifs (ETH, USDC, etc.). Plutôt que d’utiliser un oracle ou de swapper à la volée, le protocole organise des enchères hollandaises continues pour convertir tous ces revenus en $EUL. Résultat : un flux constant de buybacks, qui :

  • Alimente la liquidité du token.
  • Peut être redistribué à la DAO ou aux utilisateurs.

C’est propre, lisible, et déjà opérationnel.

Morpho

Chez Morpho, le token $MORPHO est… un token de gouvernance, et rien d’autre. Il donne le droit de voter sur :

  • Les évolutions du protocole.
  • Le lancement de nouveaux produits.
  • L’activation (éventuelle) d’un fee switch.
  • L’allocation des ressources de la DAO.

Mais aucune valeur économique n’est actuellement captée par le protocole. Même les Vaults, qui peuvent appliquer jusqu’à 50 % de performance fees, ne reversent rien à la DAO. Ces frais vont directement aux propriétaires de Vaults, pas aux détenteurs de $MORPHO.

La philosophie est claire : maximiser l’usage, pas la rentabilité immédiate. $MORPHO est donc un pari sur le futur : plus le protocole prend de l’ampleur, plus le pouvoir de gouvernance devient stratégique. Et si un jour, la communauté active un mécanisme de partage de frais, la valorisation du token pourrait s’envoler.

Deux visions donc :

  • Euler, qui verse déjà des dividendes masqués via ses mécaniques de rEUL et de buybacks.
  • Morpho, qui capitalise sur la captivité politique de sa DAO et la promesse future d’un protocole incontournable.

Conclusion

Morpho et Euler incarnent deux visions diamétralement opposées — et pourtant complémentaires — du lending modulaire.

Morpho mise sur une permissionless infrastructure, où n’importe qui peut créer un marché, sans autorisation, sans gouvernance intrusive, sans compromis. C’est la version Uniswap du lending. Mais ce choix a un prix : la multiplication des marchés entraîne un risque de fragmentation de la liquidité, de duplication des stratégies, et de saturation de l’offre.

Pour y répondre, Morpho mise sur les Vaults comme outil d’abstraction et de concentration. Et sur une gouvernance minimaliste qui, paradoxalement, pourrait devenir l’un de ses plus grands leviers de valeur à l’avenir.

Euler, de son côté, construit une machine à lending programmable. Chaque vault est une brique, chaque brique peut se connecter à une autre, et l’ensemble forme une toile de crédit dynamique. Plus sophistiqué, plus exigeant aussi : ce modèle repose sur des curateurs compétents, des mécanismes de gouvernance actifs, et une capacité à équilibrer innovation et sécurité.

Mais derrière cette liberté, se cache une tension : aujourd’hui, plus de 95 % des fonds sur Euler sont dans des vaults gouvernés. Une forme d’institutionnalisation déguisée ? Peut-être. Ou simplement un signal que, dans la complexité, les utilisateurs cherchent des repères solides.

Morpho est un pari sur la décentralisation radicale, Euler un pari sur l’ingénierie contrôlée.

Qui l’emportera ? Peut-être aucun des deux. Peut-être les deux. Si Morpho parvient à résoudre sa fragmentation, et si Euler arrive à rendre son système plus accessible, la DeFi de demain pourrait très bien reposer sur ces deux piliers. Un protocole pour l’expérimentation libre, l’autre pour la structuration maîtrisée.

>> Lending onchain : état du marché, tendances et perspectives

Tokens dans cet article
Projets dans cet article

Autres contenus Technologie