Où en est le projet Symbiotic, concurrent d'EigenLayer ?

Porté par une architecture modulaire et le support de tous les tokens ERC-20, Symbiotic monte en puissance avec plus d’un milliard de dollars de TVL. Mais malgré sa croissance rapide, le protocole reste encore loin derrière le géant EigenLayer, leader incontesté du restaking.
Symbiotic est un protocole de restaking sans permission conçu pour renforcer la sécurité des réseaux décentralisés en permettant aux actifs stakés d'être utilisés sur plusieurs blockchains.
Mais contrairement à EigenLayer, Symbiotic prend en charge n'importe quel token ERC-20 pour le restaking.
Le secteur du restaking : Qu'avons-nous manqué ?
Le secteur du restaking connaît une croissance fulgurante. En moins d’un an, la valeur totale verrouillée (TVL) est passée de 1,3 milliard de dollars en janvier 2024 à plus de 29 milliards en décembre, avant de se stabiliser autour de 11 milliards de dollars au premier trimestre 2025
Dans cette course à la sécurisation des réseaux décentralisés, EigenLayer domine le marché avec plus de 88 % de parts. Mais un acteur de l’écosystème EVM entend bien lui contester sa suprématie : Symbiotic (10 %).
>> L'analyse du projet EigenLayer
Ce protocole de restaking permissionless se distingue par une approche modulaire et innovante : là où EigenLayer repose principalement sur l’ETH, Symbiotic permet de restaker n’importe quel token ERC-20. Une flexibilité qui attire de plus en plus de projets désireux de renforcer leur sécurité sans dépendre d’un seul actif.
Depuis notre dernier article sur le sujet, publié ici, la TVL de Symbiotic est passée de 250 millions à plus d’un milliard de dollars – une progression rapide qui souligne l’intérêt croissant pour ce protocole.
Alors que le marché du restaking entre dans une phase de consolidation, lumière sur Symbiotic, ce nouveau venu à la proposition différenciante.
>> EigenLayer, Symbiotic : la guerre du restaking a commencé

Comment fonctionne Symbiotic ?
La force de Symbiotic réside dans sa capacité à prendre en charge n’importe quel token ERC-20 pour le restaking, qu’il s’agisse de stETH, d’ENA, de tokens de liquidité (LP tokens) ou d’autres actifs.
Cette approche apporte deux avantages clés. D’une part, elle permet une meilleure efficacité du capital : en adoptant un design multi-actifs et indépendant des réseaux, Symbiotic offre la possibilité de mobiliser les actifs sur plusieurs blockchains et cas d’usage, plutôt que de les enfermer dans une seule fonction.
D’autre part, elle garantit une flexibilité accrue pour les réseaux qui intègrent le protocole. Ces derniers peuvent définir eux-mêmes les actifs acceptés en collatéral, les critères de sélection des validateurs, ou encore les mécanismes de récompense et de pénalités, en fonction de leur profil de risque et de leurs besoins spécifiques.
Pour permettre cette modularité, Symbiotic repose sur un mécanisme de slashing indépendant des actifs stakés. Les positions de collatéral sont représentées par des tokens ERC-20 sur mesure, enrichis de fonctionnalités spécifiques destinées à réagir aux événements de slashing.
Ces tokens intègrent un module baptisé “Burner” — un smart contract prédéfini et rigoureusement audité — qui s’active automatiquement en cas de sanction. Le module détruit alors de manière irréversible les tokens concernés, assurant ainsi l’intégrité du système tout en maintenant des incitations économiques cohérentes. Cette approche agit comme un pare-feu contre les effets de contagion potentiels, tout en offrant un contrôle plus fin sur la gestion des risques dans le cadre du restaking.
Les rôles essentiels dans Symbiotic
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Réseaux : Systèmes blockchain ou plateformes décentralisées qui utilisent Symbiotic pour assurer leur sécurité économique.
Opérateurs : Entités professionnelles gérant des validateurs ou des nœuds, recevant des allocations de stake pour maintenir l'infrastructure et les opérations du réseau.
Restakeurs : Entités (individus, institutions ou protocoles) qui déposent des actifs dans des coffres-forts pour générer des récompenses, gérés par des curateurs.
Infrastructure des coffres-forts et modèle de délégation
Symbiotic propose plusieurs configurations pour s’adapter aux besoins des différents acteurs de l’écosystème, en jouant sur deux variables : le nombre de réseaux concernés et le nombre d’opérateurs impliqués.
Le modèle Multiple Networks, Multiple Operators (MN, MO) s’adresse principalement aux entités professionnelles, comme les fournisseurs de Liquid Restaking Tokens (LRTs), qui gèrent des “vaults” Symbiotic dans une logique d’optimisation maximale du capital. Ces coffres permettent à une même position de staking d’être répartie simultanément sur plusieurs opérateurs et réseaux. Dans certains cas, ces vaults gérés par des LRTs n’acceptent pas de dépôts directs : les utilisateurs placent alors leurs fonds dans des smart contracts contrôlés par les LRTs, qui se chargent de répartir les actifs sur différentes stratégies.
Le modèle Multiple Networks, Single Operator (MN, SO) permet à chaque opérateur de disposer de son propre vault, avec la possibilité de restaker sur plusieurs réseaux tout en restant indépendant des autres opérateurs.
À l’inverse, dans le modèle Single Network, Multiple Operators (SN, MO), chaque opérateur intervient sur un réseau unique. Ce format est souvent utilisé par les fournisseurs de tokens LST ou certaines DAOs de réseau, comme Uniswap ou Aave, qui se concentrent sur la gouvernance d’une blockchain spécifique.
Enfin, le modèle Single Network, Single Operator (SN, SO), le plus simple et le plus isolé, implique un seul opérateur sur un seul réseau. Il garantit une sécurité maximale mais avec une efficacité du capital réduite.
Pour garantir la robustesse de l’ensemble, les contrats cœur de Symbiotic sont non-upgradables, une décision qui vise à assurer leur immutabilité et à réduire les risques liés à une gouvernance externe. Ces contrats ont par ailleurs été audités par cinq cabinets indépendants : Zellic, ChainSecurity, OtterSec, Certora et Cantina.
Financement
Symbiotic a levé 5,8 millions de dollars lors d’un unique tour de financement en seed, réalisé en juin 2024. Ce tour a été mené par Paradigm et cyber.Fund, deux acteurs influents dans l’écosystème crypto.
La participation de cyber.Fund, dirigé par les cofondateurs de Lido, Konstantin Lomashuk et Vasiliy Shapovalov, inscrit stratégiquement Symbiotic dans l’orbite de Lido. Un positionnement loin d’être anodin : il donne à Symbiotic une stature de contrepoids potentiel à EigenLayer, dont le modèle repose quasi exclusivement sur l’ETH dans l’univers du restaking.
Encore jeune, le protocole bénéficie déjà du soutien d’investisseurs disposant de relais puissants dans la DeFi. Un capital financier et relationnel qui renforce la légitimité de Symbiotic et conforte son statut de nouvel outsider crédible sur un marché du restaking en pleine recomposition.
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Team & communauté
Symbiotic est porté par une équipe aux solides compétences en infrastructure blockchain et en sécurité. Le projet a été cofondé par Misha Putiatin, aujourd’hui CEO, et Algys Ievlev, deux profils techniques ayant déjà collaboré chez MixBytes, un cabinet d’audit de smart contracts, avant de fonder ensemble Statemind, une autre entreprise spécialisée dans la sécurité blockchain.
Misha Putiatin est diplômé en ingénierie informatique de l’Université nationale de recherche en électronique (MIET) de Moscou. Avant de se spécialiser dans l’audit de smart contracts, il a travaillé chez KPMG en audit, chez VTB Capital en analyse, puis en tant que directeur chez MixBytes. Algys Ievlev, quant à lui, occupait le poste de Chief Technology Officer chez MixBytes avant de cofonder Symbiotic. Il vient du monde du développement logiciel, avec un passage notamment chez Mail.Ru Group.
Côté communauté, Symbiotic fédère déjà plus de 41 500 abonnés sur X (anciennement Twitter) et plus de 102 000 membres sur Discord. Une base engagée pour un protocole encore jeune, mais qui attire déjà l’attention bien au-delà des cercles techniques.
Token
Le lancement du token de Symbiotic était initialement prévu pour le Q4 2024 mais a été reporté à une date ultérieure. Le projet a mis en place un système de points pour encourager les premiers restakeurs, qui s'est déroulé de juin 2024 à janvier 2025, avec une Saison 2 lancée en parallèle du mainnet.
>> Le business caché des airdrops : entre mirage et réalité
Écosystème et partenariats
Malgré les retards dans le lancement du token, en seulement un mois après le lancement de son mainnet, Symbiotic a réussi à intégrer plus de 14 réseaux, notamment Ditto Network et Capx Cloud.
Le protocole a également recruté 23 opérateurs, dont des leaders du secteur comme Kiln, P2P.org, et Chorus One. De plus, 55 coffres-forts ont été déployés sur la plateforme (mETH, sUSDe, ...).
Concurrence
Soyons clairs : Symbiotic fait face à une série d’obstacles de taille.
La concurrence est dominée par un mastodonte : EigenLayer, avec une TVL de 9,07 milliards de dollars, s’impose comme le protocole de restaking de référence. Face à cela, la promesse de Symbiotic — le support élargi des tokens ERC-20 — pourrait peiner à séduire une base d’utilisateurs déjà bien ancrée dans l’écosystème centré sur l’ETH d’EigenLayer.
En termes de développement, EigenLayer semble bénéficier d’un écosystème bien plus actif, avec une fréquence de mises à jour plus élevée et un nombre de développeurs impliqués plus important. Cela dit, les deux protocoles restent activement maintenus, comme en témoignent leurs commits récents.
Mais le pari technique de Symbiotic, basé sur le support multi-actifs, n’est pas sans risques. Cette complexité accrue ouvre la porte à davantage de vulnérabilités potentielles, que ce soit en termes de surface d’attaque ou de risques de slashing.
Des préoccupations autour de la centralisation persistent également. Dans sa phase initiale, le protocole repose sur des vaults sélectionnés et des opérateurs triés sur le volet. Une approche qui peut sembler contradictoire avec l’ambition décentralisée du projet, et soulever des doutes sur sa capacité à évoluer vers un modèle réellement ouvert et autonome.
Autre point d’alerte : l’absence de feuille de route claire. Pour un protocole qui entend jouer un rôle majeur dans l’infrastructure DeFi, ce flou stratégique pourrait peser lourd.
Enfin, l’association étroite de Symbiotic avec les fondateurs de Lido pourrait relancer le débat sur une possible préférence implicite pour le stETH, au détriment d’un traitement équitable des autres actifs.
La question reste entière : Symbiotic saura-t-il surmonter ces défis et s’imposer comme un acteur incontournable du restaking ?
L’analyse de The Big Whale : Concept prometteur, exécution discutable
Le concept de Symbiotic séduit sur le papier. Son architecture modulaire et son support étendu des actifs ERC-20 en font une alternative sérieuse à EigenLayer dans l’univers du restaking. Mais entre ambition et exécution, plusieurs points d’alerte demeurent.
La réussite de la campagne de points de la Season 2 sera déterminante pour attirer une TVL significative et s’imposer sur le marché. Malgré une croissance remarquable ces derniers mois, Symbiotic reste encore loin derrière la domination d’EigenLayer.
Le contexte n’aide pas : la dynamique autour du restaking semble s’essouffler. Le secteur ralentit, et EigenLayer, déjà bien implanté, bénéficie d’un avantage structurel difficile à combler. Dans ce climat, Symbiotic affronte une pente raide.
Le report du lancement de son token pourrait également peser sur la motivation des investisseurs et ralentir l’élan du projet. Associée à un système de points parfois perçu comme opaque, cette décision alimente des inquiétudes sur la transparence de la gouvernance à venir.
Les défis de communication, en particulier l’absence de feuille de route claire, compliquent aussi la tâche. Dans un projet aussi complexe techniquement — avec une architecture modulaire et un système de collatéral diversifié —, la lisibilité est essentielle pour instaurer la confiance et rallier une communauté.
En misant sur une approche plus flexible que celle d’EigenLayer, Symbiotic pourrait séduire un public plus large. Mais cette ouverture s’accompagne aussi de complexité accrue et de risques supplémentaires, là où EigenLayer joue la carte de la simplicité et de la concentration sur l’ETH.
Symbiotic devra faire preuve d’innovation, d’exécution rigoureuse et de transparence pour transformer ses promesses en réalité. Son modèle permissionless et sa compatibilité multi-actifs en font un projet à fort potentiel, mais encore fragile dans son positionnement. Reste à savoir s’il parviendra à tirer parti de ses spécificités pour s’imposer durablement, ou s’il peinera à émerger dans un secteur où la concurrence ne cesse de s’intensifier.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


