Pourquoi les blobs vont devenir la clé de voute de l'économie d'Ethereum

Introduit lors de la mise à jour Dencun en mars 2024, les blobs représentent une innovation majeure dans l'architecture d'Ethereum. Ces espaces de stockage temporaire constituent une solution technique sophistiquée pour répondre aux défis de scalabilité de la blockchain.

L'aspect révolutionnaire des blobs réside dans leur mécanisme de tarification distinct du réseau principal. Cette séparation permet d'offrir une disponibilité des données particulièrement compétitive, rivalisant directement avec des solutions alternatives comme Celestia, tout en conservant le niveau de sécurité qui fait la réputation d'Ethereum.

Cette orientation stratégique, bien que controversée au sein de la communauté crypto, mérite une analyse approfondie pour comprendre les enjeux et les perspectives qu'elle ouvre pour l'avenir d'Ethereum.

Les blobs, vraiment rentables ?

L'analyse des données post-Dencun révèle un impact économique significatif : les coûts de transaction sur les layers 2 ont connu une réduction spectaculaire, chutant d'un facteur 100, grâce à l'introduction d'un espace de stockage nettement plus économique que l'ancien système de Calldata.

Cette innovation technique, bien qu'avantageuse pour l'écosystème des layers 2 qui peuvent désormais proposer des tarifs plus compétitifs, a eu des répercussions notables sur les revenus d'Ethereum. Les chiffres sont éloquents : les revenus mensuels issus des loyers versés par les layers 2 ont drastiquement chuté, passant d'approximativement 7 000 ETH à seulement 500 ETH.

Mais l'analyse des données révèle une situation préoccupante : la combinaison de loyers historiquement bas et d'une activité estivale réduite a compromis le caractère déflationniste d'Ethereum. Cette dynamique inattendue soulève des interrogations significatives au sein de la communauté quant à la viabilité économique du modèle.

La stratégie de “Loss leader”

L'introduction des blobs avec Dencun révèle une stratégie commerciale sophistiquée d'Ethereum, s'apparentant au concept du "Loss leader". Cette approche, également connue sous le nom de "produit d'appel" dans le monde francophone, consiste à proposer délibérément un service en dessous de son coût de production. L'objectif est de stimuler l'adoption massive et de construire un écosystème durable sur le long terme.

Cette stratégie trouve une illustration particulièrement pertinente dans le cas de Solana. Malgré des validateurs opérant à perte et nécessitant le soutien financier de la fondation, la blockchain maintient des frais de transaction minimaux. Cette approche, bien que coûteuse à court terme, vise à établir une base d'utilisateurs suffisamment large pour assurer la viabilité future du réseau.

L'analyse des premiers résultats de la stratégie d'Ethereum révèle des indicateurs prometteurs : la réduction drastique des coûts de transaction sur les layers 2 a catalysé une croissance significative de l'adoption. Cette dynamique vertueuse s'est manifestée non seulement par l'afflux de nouveaux utilisateurs, mais également par l'émergence d’une grande quantité de L2 au sein de l'écosystème.

Les données empiriques - qu'il s'agisse des métriques d'utilisation, de la valeur totale verrouillée (TVL) ou du pipeline de développement des layers 2 - convergent vers une validation préliminaire de cette approche stratégique. L'attractivité d'Ethereum s'est considérablement renforcée, notamment grâce à sa feuille de route claire en matière d'optimisation des coûts transactionnels.

Cette position privilégiée permet à l'écosystème de capitaliser sur deux avantages compétitifs majeurs : d'une part, le niveau de sécurité inégalé parmi les blockchains de smart contracts, et d'autre part, les externalités de réseau substantielles qui ont historiquement cimenté sa position de leader dans l'industrie.

Ethereum redevenu rentable?

Les données récentes montrent une tendance claire : l'arrivée continue de nouveaux layers 2 et l'intensification de leurs activités saturent peu à peu la capacité des blobs disponibles. L'architecture d'Ethereum limite l'utilisation effective à 3 blobs sur les 6 existants, avec un système de tarification qui augmente de façon exponentielle au-delà de cette limite. Cette approche poursuit deux objectifs : encourager l'innovation dans l'optimisation des données et protéger l'intégrité du réseau.

Les observations du marché indiquent que les layers 2 approchent désormais ce seuil critique, entraînant une hausse notable des coûts transactionnels. Cette dynamique a un effet positif inattendu sur la rentabilité d'Ethereum, grâce à l'augmentation des revenus générés par les loyers, systématiquement brûlés par le protocole.

Cependant, l'horizon Q1 2025 annonce un nouveau changement de paradigme avec la mise à jour Pectra. Cette évolution technique prévoit une extension à 9 blobs, dont 6 utilisables efficacement, promettant une nouvelle phase de réduction des coûts pour les layers 2.

Cette oscillation entre phases de rentabilité et d'optimisation des coûts s'inscrit dans une stratégie à long terme. La feuille de route d'Ethereum, qui prévoit une expansion progressive jusqu'à 128 blobs, illustre une approche équilibrée entre croissance de l'écosystème et viabilité économique du réseau.

À quand la rentabilité ?

La communauté d’Ethereum a mis à disposition une plateforme permettant de se rendre compte de l’exponentielle de cette stratégie (voir ci-dessous). Si on dispose de 128 blobs avec une limite à 64, et que l’écosystème contient 50 layers 2 avec 20 transactions par seconde en moyenne, Ethereum serait déjà déflationniste, et donc rentable, sans même compter l’activité du layer 1.

Ces chiffres sont bien entendus très pessimistes, l’écosystème d’Ethereum possède déjà plus de 50 layers 2, et certains comme Base ou Starknet, dépasse fréquemment les 100 transactions par seconde.

Nous n’avons pas de date précise pour cette vision puisque cela dépendra de la demande des layers 2, mais tant que l’activité croit et que l’espace de blobs se fait de plus en plus rare, Ethereum se dirige doucement vers ce but.

Tout comme l’espace de bloc est une ressource rare que peut vendre chaque layer 1 à ses utilisateurs, l’espace de blobs pourrait devenir une ressource rare vendu uniquement à Ethereum, à tout un écosystème de layer 2, qui eux le revendent à leurs utilisateurs.

Ces stratégies comparables à celle de la “franchise” ne sont jamais vraiment rentables au début, puisque au lieu de créer son propre magasin, on vend sa marque et ses outils à quelqu’un, qui se doit de continuer de les utiliser pour attirer des clients. C’est la multiplication de ces nouveaux commerces extérieurs qui devrait à termes permettre la rentabilité, sans jamais affecter le commerce principal qui n’est responsable que de la vente des ressources utilisées.

Conclusion

Face aux contraintes techniques limitant l'évolution d'Ethereum, les développeurs ont adopté une approche stratégique innovante. Plutôt que de compromettre la décentralisation du réseau principal, ils ont privilégié une architecture basée sur les rollups, transformant Ethereum en une infrastructure de sécurité robuste et flexible.

L'analyse de cette stratégie révèle un avantage compétitif majeur : les rollups, bénéficiant d'une gouvernance plus agile, sont devenus de véritables laboratoires d'innovation. Cette flexibilité leur permet d'expérimenter avec différentes machines virtuelles et architectures techniques, créant un écosystème dynamique impossible à reproduire dans l'environnement plus rigide d'Ethereum.

Les retombées économiques de cette symbiose sont significatives. Le mécanisme de burning des frais de blobs, combiné à l'adoption croissante du token ETH, renforce la position d'Ethereum sur le marché. Bien que le sacrifice initial des revenus ait pu paraître risqué, les perspectives à long terme suggèrent un retour sur investissement substantiel, notamment via une forte pression déflationniste.

L'émergence de solutions d'interopérabilité comme la Superchain et l'Agglayer marque une nouvelle étape cruciale. Ces innovations promettent de résoudre le défi de la fragmentation, en permettant une expérience utilisateur unifiée à travers les différentes chaînes de l'écosystème.

Cependant, les analystes restent prudents. Si la vision d'Ethereum comme fondation sécurisée d'un écosystème blockchain diversifié est prometteuse, sa réalisation nécessite encore de surmonter des obstacles techniques et organisationnels significatifs.

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