Pyth, RedStone, Stork, etc. : Que valent les nouveaux oracles blockchain ?

Les oracles sont des outils essentiels permettant aux blockchains de se connecter au monde extérieur, notamment pour fournir des données comme les prix en DeFi. Avec l’émergence de nouveaux modèles et acteurs comme Pyth, RedStone et Stork, le secteur des oracles évolue rapidement, répondant à des besoins de plus en plus spécifiques et complexes.
Une blockchain permet de vérifier l'intégralité des éléments présents sur son réseau. Cependant, elle ne peut pas accéder aux éléments qui lui sont extérieurs. Les oracles visent à répondre à ce problème. Un oracle est un acteur qui permet à une blockchain de communiquer avec le monde extérieur.
L'un des cas d'utilisation des oracles est le « price feed » ou flux de prix en DeFi. Il s'agit de transmettre aux protocoles de DeFi le prix des actifs qu'ils intègrent. Cela est, par exemple, nécessaire pour un protocole de prêt qui a besoin de savoir quand liquider les prêts de ses utilisateurs.
On retrouve deux mesures intéressantes pour un oracle : la valeur totale sécurisée (TVS) et le volume sécurisé. La TVS prend en compte l'ensemble de la valeur déposée sur les protocoles reposant sur cet oracle, tandis que le volume sécurisé mesure le volume de trading sur les protocoles qui intègrent l'oracle.
Certains protocoles s'appuient sur plusieurs oracles en parallèle selon leurs besoins.
Le secteur des oracles innove de plus en plus et s'étend à de nouveaux cas d'usage toujours plus spécifiques.
Chainlink : le pionnier des oracles
Lancé début 2019, Chainlink est devenu le premier oracle global, succédant à Chronicle qui était exclusivement dédié à MakerDAO.
Avec une Valeur Totale Sécurisée (TVS) de 23 milliards de dollars, Chainlink domine le marché des oracles. Aave, à lui seul, représente 11 milliards de dollars, soit plus de la moitié de cette TVS. (Suivez en temps réel sur DeFiLlama)
La force principale de Chainlink réside dans la confiance qu'il a su bâtir au fil du temps avec les plus grandes applications de la finance décentralisée (DeFi).
Chainlink a progressivement élargi son champ d'action au-delà des flux de prix en DeFi, s'orientant vers l'interopérabilité des blockchains et les preuves de réserves des Real World Assets (RWA).
Cependant, la pertinence de Chainlink dans le domaine de l'interopérabilité des blockchains reste discutable, notamment face à des solutions spécialisées comme Wormhole, LayerZero et Hyperlane.
Pour approfondir ce sujet, consultez notre analyse des solutions d'interopérabilité.
Chainlink s'est forgé l'image de l'oracle le plus institutionnel. Toutefois, cette institutionnalisation s'est accompagnée d'une certaine stagnation dans certains aspects de son offre. Face à cela, de nombreux projets innovants émergent, cherchant à conquérir leur part de marché.
Pyth : l'accélération des oracles
Dans le cadre du modèle historique « push », l'oracle publie et vérifie on-chain l'évolution des prix à intervalles réguliers ou lorsque certains seuils spécifiques sont atteints.
Pyth a introduit un nouveau modèle d'oracle appelé « pull », où les utilisateurs récupèrent l'évolution des prix dès qu'ils le souhaitent.
Pythnet est une blockchain où des fournisseurs de données publient des prix qui sont ensuite agrégés pour obtenir un prix moyen. Les participants du réseau attestent de la validité de ce prix et l'envoient à Wormhole, un protocole de communication interblockchain. Wormhole transmet ensuite ce prix aux instances de Pyth déployées sur les différentes blockchains. Les protocoles de ces blockchains peuvent alors réclamer le prix à tout moment.

Le modèle « pull » s'appuie donc sur un flux continu de données qui peut être utilisé dès qu'un utilisateur en a besoin. Cela permet d'avoir une actualisation des prix avec une latence bien plus faible que le modèle « push ».
Un autre avantage du modèle « pull » est sa capacité à offrir l'ensemble des flux de prix supportés par un oracle sur chaque chaîne où il est déployé. En revanche, le modèle « push » doit déployer un flux spécifique sur chaque chaîne, ce qui freine sa capacité de mise à l'échelle à mesure que le nombre de flux et de chaînes augmente.
Pyth a été largement adopté par la plupart des protocoles de Solana, Sui et Aptos, ainsi que par une partie des nouveaux protocoles de l'écosystème Ethereum. Actuellement, Pyth est l'oracle avec le plus haut volume sécurisé.
Récemment, Pyth a annoncé un programme de staking de son token. Cette initiative vise à bénéficier d'une réelle sécurité cryptoéconomique, conférant ainsi une véritable utilité à son token.
RedStone : l'oracle des tokens à rendement
RedStone est un oracle spécialisé dans les flux de prix de tokens avec un rendement intégré. Il se concentre notamment sur les tokens de staking et restaking liquides, ainsi que les stablecoins à rendement. Ces flux sont ensuite exploités par des applications intégrant ces tokens, comme Pendle et Morpho.
RedStone développe également son propre service (AVS) sur EigenLayer. Ce nouveau modèle "push" vérifie la validité des données transmises par Redstone hors chaîne plutôt que sur la chaîne, réduisant ainsi les coûts opérationnels. Si la validation hors chaîne s'avère incorrecte, le validateur voit son capital "slashé". Ce modèle innovant s'appuie donc sur la sécurité économique fournie par EigenLayer.
Depuis début 2024, Redstone a connu une croissance rapide de sa Valeur Totale Sécurisée (TVS). Cette progression s'explique par la fourniture de flux de prix pour des tokens très en vogue, tels que le weeth d'Etherfi ou le sUSDe d'Ethena.
Pour approfondir le sujet, consultez l'interview de The Big Whale avec l'équipe de Redstone.
Stork : le libre marché des données
Stork bouleverse le modèle des oracles traditionnels. Sa principale innovation : permettre à quiconque de devenir fournisseur de données, sans l'approbation d'un comité.
Les applications consommatrices de données ont deux options : interagir directement avec les fournisseurs ou utiliser des services d'oracles composites (COS). Ces COS offrent aux applications la possibilité de déployer leurs propres oracles en quelques clics, en sélectionnant les fournisseurs, les types de données, la fréquence de mise à jour et la méthode de validation.
Ainsi, Stork n'est pas un oracle au sens strict, mais plutôt une place de marché de données où les applications peuvent aisément créer leur oracle sur mesure.

Stork crée ainsi un véritable marché libre, éliminant les intermédiaires entre les consommateurs et les fournisseurs de données. Cette approche permet de réduire les coûts, d'offrir une plus grande diversité de données et d'obtenir une latence extrêmement faible.
Grâce à sa très faible latence, Stork a été adopté par de nombreuses plateformes d'échange de produits dérivés, où la vitesse d'actualisation des prix est cruciale.
Bien que Stork ne sécurise que 200 millions de dollars, il rivalise avec Chainlink en termes de volume sécurisé sur les 7 derniers jours, les deux atteignant 5 milliards de dollars.
Stork, le plus récent de ces oracles, n'est disponible que depuis mi-2024. Il sera donc intéressant de suivre son évolution et de voir s'il parvient à tenir ses promesses de très faible latence tout en assurant un niveau de sécurité suffisant.
Edge : la gestion du risque en temps réel
Edge, annoncé en septembre 2024, est le fruit du travail de Chaos Labs, une entreprise spécialisée dans l'accompagnement des protocoles DeFi — comme Aave — pour la gestion de leurs risques.
Allant au-delà de la simple diffusion de flux de prix, Edge aspire à transmettre en temps réel un éventail d'informations cruciales, ouvrant ainsi la voie à une gestion dynamique et proactive des risques.

Cette contextualisation des flux de prix permet aux protocoles de gérer dynamiquement leurs paramètres de risque. Cela élimine les frictions liées aux votes de gouvernance et permet une réaction en temps réel.
Actuellement, Edge n'intègre que les prix de 5 paires de trading et n'est implémenté que sur le protocole Jupiter. Son déploiement est prévu sur GMX et Radiant.
Le teneur de marché Wintermute a également annoncé l'intégration d'Edge pour créer son propre « Outcome Market ».
Les oracles sont effectivement des éléments essentiels pour les marchés prédictifs, un secteur en pleine expansion.
UMA : l'oracle optimiste
UMA, un oracle établi depuis longtemps, a récemment regagné en popularité grâce au succès de Polymarket qui l'utilise.
UMA est un oracle optimiste, ce qui signifie qu'il considère par défaut les informations transmises comme exactes. Cependant, il est possible de contester une information, déclenchant ainsi un vote des validateurs d'UMA pour trancher la question.
Polymarket, une plateforme de paris sur divers événements, notamment les élections américaines, utilise UMA comme arbitre pour résoudre les litiges lors de la clôture des paris. Il est important de noter que l'équipe de Polymarket conserve le dernier mot si les décisions d'UMA ne lui conviennent pas.
UMA a d'autres cas d'usage, tels que la vérification des transferts entre blockchains via le protocole Across, développé par la même entreprise : Risk Labs.
UMA a également développé Oval, un mécanisme pour récupérer la valeur extraite (MEV) lors des liquidations sur les applications de prêt décentralisées. Par exemple, UMA s'est associé à RedStone sur certains vaults Morpho.
L'objectif d'Oval est de permettre la liquidation d'une position dans les meilleures conditions en organisant une enchère sur le prix de liquidation, minimisant ainsi les pertes pour les utilisateurs et les protocoles.
Conclusion
Le marché des oracles a longtemps été dominé par Chainlink, qui n'avait pas de réels concurrents. Aujourd'hui, de nouveaux acteurs émergent avec des modèles différents, souvent plus spécialisés, répondant à des besoins plus précis qu'un oracle généraliste.
Les changements sont relativement lents car les applications DeFi ne peuvent pas se permettre de tester de nouveaux oracles sans qu'ils aient été éprouvés, particulièrement pour les grandes applications DeFi historiques.
Chainlink tente de maintenir sa position dans le secteur des flux de prix en déployant également une nouvelle version de son oracle basée sur le modèle « pull ».
Chainlink se concentre largement sur les acteurs institutionnels, notamment avec sa fonctionnalité de preuve de réserve pour le secteur des Real World Assets (RWA) et l'interopérabilité entre les blockchains, visant à connecter par exemple les blockchains publiques et privées.
Les oracles couvrent des secteurs de plus en plus larges, agissant comme des intermédiaires de confiance pour les applications crypto. Cependant, cette confiance représente également un point de vulnérabilité pour les protocoles qui s'appuient sur des oracles.
La quasi-totalité des oracles reste encore assez centralisée, que ce soit au niveau des fournisseurs de données ou des acteurs qui attestent de l'intégrité de ces données. Pyth et UMA sont pionniers dans la décentralisation de leur fonctionnement et la capture de valeur par leurs tokens. Chainlink a initié son programme de staking l'année dernière, mais seule une faible quantité de LINK a pu être mise en jeu jusqu'à présent.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


