Solana et les memecoins : enquête sur une dépendance toxique

Solana s’est imposé en 2024 comme un acteur incontournable du secteur. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : explosion des volumes d’échange, adoption massive par les utilisateurs, records de transactions… La blockchain semble avoir trouvé sa recette du succès.
Mais derrière cette ascension fulgurante se cache un phénomène aussi fascinant que controversé : l’essor des memecoins, dopé par des plateformes comme Pump.fun. À tel point qu’on se demande si Solana pourrait vivre sans.
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Quel est le niveau d’activité général sur Solana ?
Solana continue de grignoter du terrain face à Ethereum, et ce n’est plus une simple impression : les données sont sans équivoque. Sur les douze derniers mois, la blockchain s’est imposée comme une référence du secteur, portée par des conditions de marché favorables et des avantages technologiques déterminants. Transactions rapides, coûts réduits pour la création d’actifs, infrastructure adaptée aux usages intensifs : autant d’atouts qui expliquent son ascension dans un écosystème où l’échange et la gestion des actifs sont au cœur des usages.
Si Ethereum conserve la plus grande valeur totale verrouillée (TVL) et la plus forte concentration de stablecoins, Solana a franchi un cap symbolique en octobre 2024 en dépassant Ethereum en volume de transactions. Cette tendance ne date pas d’hier : dès le premier semestre 2024, Solana se démarquait déjà comme un challenger sérieux. L’attractivité de sa plateforme, notamment auprès des utilisateurs de détail, a été amplifiée par l’essor des memecoins et l’expérience fluide qu’elle offre grâce à ses frais ultra-réduits.
L’essor des échanges sur les DEX de Solana en est une preuve supplémentaire. Au quatrième trimestre 2024, son volume d’échange quotidien a surpassé celui des autres blockchains majeures. Raydium et Orca, ses deux principales plateformes, concentrent à elles seules plus de 60 % du volume total des dix plus grands DEX toutes chaînes confondues.
À titre de comparaison, les solutions de couche 2 comme Base et Arbitrum affichent un volume mensuel représentant à peine la moitié de celui de Solana depuis le début de l’année 2024.
Mais la véritable révélation de cette montée en puissance se joue ailleurs : le nombre de portefeuilles actifs.
À partir de septembre 2024, Solana a connu une explosion du nombre d’utilisateurs, atteignant un pic de 135 millions de portefeuilles uniques actifs en novembre. Un engouement largement porté par l’explosion des memecoins, dopée par des plateformes comme Pump.fun.
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Le rôle de Pump.fun
Pump.fun s’impose aujourd’hui comme l’un des protocoles les plus emblématiques de l’écosystème Solana, en permettant la création et le lancement de memecoins en quelques clics, sans aucune connaissance technique ni besoin de liquidité initiale. Mais ce phénomène est-il une avancée technologique ou un simple moteur de spéculation ?
Contrairement aux méthodes traditionnelles nécessitant un capital de départ pour alimenter des pools de liquidité sur Raydium ou Orca, Pump.fun automatise ce processus grâce à un mécanisme de bonding curve.
Le fonctionnement est simple : un utilisateur connecte son wallet Solana, saisit un nom et un symbole, et paie des frais minimes en SOL. Le protocole génère instantanément le token et le rend disponible à l’achat via la bonding curve. Le prix évolue ensuite en fonction du nombre de tokens en circulation et du SOL injecté dans le pool.
Pour limiter les risques de rug pull, la liquidité est automatiquement verrouillée, et le protocole prélève une commission de 1 % sur chaque transaction. Lorsqu’un token atteint 69 000 $ de capitalisation boursière, Pump.fun dépose des liquidités sur Raydium, récompense le créateur avec 0,5 SOL et brûle définitivement la LP, rendant le token totalement autonome.
Ce mécanisme favorise une montée rapide des prix lors des premiers achats, attirant les spéculateurs mais exposant aussi les investisseurs à des corrections brutales.
Pump.fun est souvent comparé à un gigantesque casino, alimenté par des success stories relayées sur Twitter, où certains investisseurs ont transformé quelques dollars en fortunes. Mais la réalité est plus nuancée : sur les 18 millions d’adresses enregistrées sur la plateforme, seuls 0,39 % ont réalisé un profit supérieur à 10 000 $. Pour les gains dépassant les 100 000 $, cette part chute à 0,048 %.
Cette quête effrénée de richesse a conduit à des comportements extrêmes. Des utilisateurs sont prêts à tout pour attirer l’attention sur leur memecoin, au point d’enchaîner les défis absurdes. Un jeune s’est filmé en direct jouant à la roulette russe, affirmant vouloir être transformé en token s’il venait à mourir. Il est décédé. Un autre, après avoir rasé ses sourcils en direct lorsque son token a atteint 10 millions de dollars de capitalisation, a promis de rester assis sur des toilettes jusqu’à 50 millions. Plus récemment, un investisseur s’est enfermé dans une cage en imitant un chien, espérant voir son token franchir les 25 millions de capitalisation.
Ces dérives illustrent la frénésie qui entoure la plateforme et les risques liés à cette course aux gains instantanés.
Malgré les critiques, Pump.fun a introduit une réelle innovation en démocratisant la création de tokens. Plus accessible que jamais, la plateforme permet aux créateurs de fédérer une communauté autour d’un projet sans barrières techniques.
Son modèle se distingue également par des mécanismes de sécurité avancés. Contrairement aux lancements classiques sur DEX, où les rug pulls sont fréquents, la liquidité des tokens créés sur Pump.fun est verrouillée automatiquement via smart contract. Cette protection renforce la confiance des utilisateurs et limite les fraudes, même si elle ne les élimine pas totalement.
Le succès de Pump.fun s’explique aussi par son intégration au sein de l’écosystème Solana. Depuis son lancement, le protocole a généré environ 500 millions de dollars de volume de transactions, avec un record en janvier où il a surpassé Ethereum en termes de revenus (107 millions de dollars).
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Pump.fun est souvent critiqué pour la vente de SOL, mais générer des revenus fait partie du modèle économique de toute entreprise. Selon Lookonchain, la plateforme aurait transféré environ 2,34 millions de SOL vers Kraken, représentant près de 41,64 millions de dollars en ventes.
Cependant, son mécanisme entraîne également le verrouillage d’environ 162 789 SOL dans les bonding curves, réduisant l’offre en circulation. Ces tokens, inaccessibles, s’apparentent à un burn partiel, contribuant indirectement à la dynamique de l’écosystème Solana.
Pump.fun est-il une révolution dans la tokenisation ou un simple moteur de spéculation dopé par la frénésie des memecoins ? Difficile de trancher.
Si le protocole ouvre de nouvelles perspectives en matière de financement et de création communautaire, son modèle repose en grande partie sur une dynamique spéculative qui peut rapidement s’effondrer. À mesure que le marché évolue, la capacité de Pump.fun à s’adapter et à proposer des usages durables déterminera si cette tendance s’inscrit dans la durée… ou si elle reste une bulle prête à éclater.
Le poids des memecoins dans Solana
Les memecoins ne sont plus un simple phénomène anecdotique sur Solana : ils constituent désormais le cœur battant de son écosystème. Selon les dernières estimations, environ 60 % du volume de trading mensuel de la blockchain proviendrait de ces actifs ultra-spéculatifs, un chiffre qui illustre leur poids dans l’activité du réseau.

Cette domination est encore plus flagrante lorsqu’on compare Solana aux autres blockchains historiques du phénomène memecoin. À lui seul, Solana représente 90 % du volume total échangé parmi les 30 plus gros memecoins par capitalisation boursière (données du 24 janvier 2025). Un constat frappant quand on sait qu’Ethereum et BSC ont accueilli des projets emblématiques comme SHIB ou PEPE.
Derrière cette explosion, un moteur : la recherche de gains rapides, qui pousse une myriade d’investisseurs particuliers à tenter leur chance sur ces tokens, souvent comparés à des tickets de loterie numériques.
La frénésie memecoin se reflète clairement dans le nombre de tokens créés quotidiennement sur Pump.fun. Depuis septembre 2024, la plateforme enregistre un minimum de 10 000 nouveaux tokens chaque jour. Un seuil qui a littéralement explosé en janvier 2025 : seuls trois jours durant ce mois ont vu la création de moins de 50 000 tokens, un chiffre vertigineux.
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L’évolution du phénomène suit un schéma clair : la montée en puissance de Pump.fun coïncide avec une hausse du volume de transactions sur Solana, les deux dynamiques étant étroitement liées. Depuis le lancement de la plateforme, ce sont près de 8 millions de tokens qui ont été générés, illustrant l’ampleur de cette vague spéculative.
Mais plus encore, Pump.fun domine désormais la création de tokens à l’échelle inter-chaînes. Depuis octobre 2024, plus de 50 % des nouveaux tokens émis chaque jour sur l’ensemble des blockchains proviennent directement de cette plateforme, un chiffre qui en dit long sur son influence.
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Si la multiplication des transactions et des créations de tokens témoigne du dynamisme de l’écosystème, elle représente aussi un test grandeur nature pour la robustesse du réseau Solana.
Depuis son lancement en 2020, la blockchain a connu plusieurs pannes notables, souvent liées à une surcharge transactionnelle :
• 14 septembre 2021 : une explosion du trafic entraîne un fork du réseau, provoquant une panne de 17 heures.
• 1er mai 2022 : une attaque massive de bots met le réseau à l’arrêt pendant 7 heures.
• 31 mai 2022 : un bug dans la gestion des transactions hors ligne interrompt Solana durant 4,5 heures.
• 1er octobre 2022 : un problème de consensus lié à un nœud mal configuré bloque le réseau pendant 6 heures.
• 6 février 2024 : après un an de stabilité, une panne de plus de 4 heures nécessite un correctif urgent.
Depuis cet incident, Solana n’a plus connu d’interruption majeure, et ce, malgré une activité en constante augmentation, notamment portée par la vague des memecoins. Là où le réseau aurait flanché par le passé, il semble aujourd’hui avoir gagné en résilience.
Toutefois, l’effet de congestion ne reste pas sans conséquences. Lors du pic de janvier 2025, coïncidant avec la frénésie autour des memecoins TRUMP et MELANI, les frais de transaction ont connu une envolée brutale. Alors qu’ils évoluent habituellement entre 1 et 6 centimes, ils ont temporairement grimpé jusqu’à 0,40 $ par transaction.
Si cette hausse est significative pour Solana, elle reste bien en deçà des coûts observés sur Ethereum. À volumes équivalents, la congestion du réseau Ethereum aurait généré des frais infiniment plus élevés, confirmant l’efficacité relative du modèle de Solana malgré les défis imposés par cette nouvelle ère spéculative.
L’équilibre de Solana est-il dépendant de ses memecoins ?
Solana s’est imposé comme une blockchain à faible coût par transaction, misant sur un volume d’échanges élevé pour assurer son modèle économique. Son fonctionnement repose sur une combinaison entre une inflation contrôlée et un mécanisme de burn des frais de transaction, visant à gérer l’offre de son token natif, le SOL.
Au lancement du réseau, le taux d’inflation annuel était fixé à 8 %, avec une réduction programmée de 15 % par an jusqu’à atteindre un taux plancher de 1,5 %. Parallèlement, 50 % des frais de transaction (frais de base et frais prioritaires) étaient brûlés, réduisant ainsi l’offre de SOL en circulation.
Mais un changement majeur est intervenu le 12 février 2025, avec l’activation de la mise à jour SIMD-0096 : depuis cette date, seuls 50 % des frais de base sont désormais brûlés, tandis que les frais prioritaires ne le sont plus.
La question de savoir si Solana peut devenir déflationniste – c’est-à-dire si la quantité de SOL brûlée dépasse l’émission due à l’inflation – dépend du volume de transactions. Pour que cela se produise, le burn des frais devrait compenser entièrement l’inflation, ce qui n’est pas le cas actuellement.
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L’analyse du taux de combustion (proportion de SOL émis qui est brûlée) montre des variations importantes au fil du temps :
• Mars 2024 : premier pic autour de 12 %, correspondant à l’essor des memecoins.
• Novembre - décembre 2024 : nouveaux pics significatifs, culminant à 35 % mi-janvier 2025, lors de la frénésie autour des tokens Trump et Melania.
• Depuis février 2025 (SIMD-96) : chute brutale du taux de burn, qui passe d’environ 17 700 SOL brûlés par jour à seulement 1 000 SOL.
Concrètement, voici l’évolution avant et après la mise à jour :
Avant SIMD-96 (30 jours précédents) :
• Émission quotidienne : 76 500 SOL
• Burn quotidien : 17 700 SOL
• Inflation annualisée : 3,6 %
Depuis SIMD-96 :
• Émission quotidienne : 77 650 SOL
• Burn quotidien : 1 000 SOL
• Inflation annualisée : 4,7 %
Malgré l’augmentation massive du volume de transactions liée aux memecoins, Solana n’a donc jamais été déflationniste, bien que l’activité spéculative ait temporairement atténué l’impact de l’inflation.
La prochaine mise à jour, SIMD-228, pourrait modifier cet équilibre en instaurant un mécanisme d’inflation dynamique basé sur un objectif de staking, plutôt qu’un calendrier d’émission fixe.
Les memecoins ont boosté temporairement l’économie de Solana en stimulant l’activité transactionnelle et en augmentant le burn des frais. Cette explosion de l’activité a aussi bénéficié aux validateurs, qui ont perçu des récompenses plus élevées grâce à la hausse du volume des transactions.
Cependant, cet impact est ponctuel et n’a pas transformé durablement l’économie de Solana. L’inflation reste supérieure au burn, et le réseau repose toujours sur une croissance continue de l’activité pour maintenir son modèle économique.
L’explosion des memecoins a incontestablement dopé les volumes de transactions sur Solana, mais aussi le prix du SOL, en créant une forte demande pour les frais, la liquidité et la spéculation. Avant cette vague, les volumes étaient plus modérés.
Cependant, réduire Solana aux memecoins serait une erreur. L’écosystème est bien plus large, avec des secteurs dynamiques comme :
• La DeFi, avec des plateformes comme Marinade et Jito.
• Les NFT, où Solana reste une place forte malgré la multichain de Magic Eden.
• Les paiements, via des solutions comme Solana Pay.
• Les applications innovantes, comme Parcl pour l’immobilier tokenisé (RWA).
À court terme, les memecoins ont été un catalyseur d’activité bénéfique pour Solana. À long terme, le réseau devra capitaliser sur ses cas d’usage concrets pour assurer sa viabilité.
Sans l’effet memecoin, Solana serait toujours viable, mais sa croissance récente aurait été bien plus modérée. Ces tokens ultra-spéculatifs ont agi comme un catalyseur temporaire, attirant de nouveaux utilisateurs et amplifiant les volumes de trading.
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L’impact sur le prix du SOL et la perception du marché
Le prix du SOL a pleinement bénéficié de l’essor des memecoins, dont l’activité représente désormais environ 60 % du volume de trading sur Solana. Cette montée en puissance a suivi un schéma clair : plus les volumes d’échange de memecoins augmentaient, plus le SOL en profitait. À chaque création, achat ou vente d’un memecoin, des frais de transaction payés en SOL étaient générés. Bien que modestes individuellement, ces frais accumulés sur un volume massif ont exercé une pression acheteuse constante sur le token natif du réseau.
Mais l’impact le plus direct sur le prix du SOL est venu des gains réalisés par les investisseurs. Lorsqu’un trader engrange un bénéfice important sur un memecoin, ses profits sont souvent récupérés en SOL avant d’être convertis en monnaie fiduciaire ou en d’autres cryptomonnaies. Ce mécanisme a alimenté une boucle haussière : plus l’engouement était fort, plus la demande en SOL augmentait, car la majorité des pools de liquidité étaient libellés dans ce token. Même si certains revendaient ensuite leur SOL pour sécuriser leurs profits, l’effet net restait largement positif tant que l’afflux de nouveaux participants compensait ces ventes.
Toutefois, cette dépendance aux memecoins a aussi montré ses limites, notamment lorsque l’écosystème a été éclaboussé par des scandales. En 2024, plusieurs célébrités ont lancé leurs propres tokens, attirant une attention considérable, mais aussi des controverses. Certains de ces projets, promus par Caitlyn Jenner, Rich The Kid ou encore Soulja Boy, se sont avérés être des manœuvres de “pump and dump”, orchestrées par des acteurs peu scrupuleux cherchant à manipuler les prix avant d’abandonner les investisseurs. L’apogée de cette tendance a été atteinte en janvier avec le lancement du memecoin de Donald Trump, rapidement suivi par celui de son épouse Melania, qui ont généré des volumes spectaculaires avant de subir d’importantes corrections.
Le 14 février a marqué un tournant avec l’affaire LIBRA, un memecoin promu par le président argentin Javier Milei. Le token a brièvement atteint une capitalisation de marché de 4 milliards de dollars avant de s’effondrer brutalement. Ce crash a révélé des enjeux bien plus profonds. Des figures influentes de l’écosystème, à l’instar de Ben Chow, cofondateur de Meteora, ont été impliquées, que ce soit de manière volontaire ou involontaire. Face à la controverse grandissante, Ben Chow a fini par annoncer sa démission de la direction de Meteora.
La pression sur l’écosystème Solana s’est alors intensifiée, au point que le créateur de Pump.fun a lui-même dû intervenir. Dans une déclaration publique, il a condamné les pratiques mises en œuvre et les individus impliqués, cherchant à dissocier la plateforme des dérives observées. Cette affaire a mis en lumière la fragilité d’un modèle économique trop étroitement lié à des cycles de spéculation effrénée. Si les memecoins ont propulsé Solana au sommet en attirant un nombre massif d’utilisateurs et en dynamisant la demande en SOL, ils ont aussi exposé le réseau à des controverses qui pourraient, à terme, nuire à sa crédibilité.
Quelle est la position des poids lourds de l'écosystème ?
Anatoly Yakovenko, cofondateur de Solana Labs, ne cache pas son intérêt pour le phénomène des memecoins. Dès l’émergence de cette tendance en mars 2024, il a adopté une position nuancée, estimant que ces tokens ne sont ni fondamentalement bons ni mauvais, mais que leur impact dépend de l’usage qu’en font les utilisateurs. Dans une série de publications sur X, il les a comparés à des loot boxes – ces coffres à surprises des jeux vidéo – insistant sur leur nature spéculative et aléatoire. Pour lui, plutôt que de miser uniquement sur la volatilité des prix, les détenteurs devraient s’impliquer activement dans les communautés qui se forment autour de ces actifs.
Anatoly Yakovenko a également mis en parallèle la hype des memecoins avec celle de la DeFi, jugeant que leur impact sur l’écosystème restait limité et moins systémique. S’il reconnaît le “bruit” généré par ces tokens, il considère que Solana, en tant qu’infrastructure, constitue le “signal” : leur prolifération sur la blockchain serait selon lui une preuve de son efficacité et de sa rapidité. Fidèle à une approche résolument optimiste, il a déclaré en octobre dernier que “chaque problème est une opportunité”, suggérant que ces tokens servent de test grandeur nature pour la résilience des projets crypto.
Toutefois, son positionnement n’est pas exempt d’intérêts : AnatolyYakovenko, figure centrale de l’écosystème Solana, a tout intérêt à ne pas critiquer un phénomène qui génère un volume record d’activité sur le réseau.
Si la Solana Foundation n’a pas pris de position officielle sur la question des memecoins, certains de ses responsables ont fait part de leur vision. Austin Federa, en charge de la stratégie, a estimé en 2024 que la blockchain, en tant qu’infrastructure, n’a pas vocation à filtrer ou censurer les tokens créés sur son réseau. Comparant cette approche à celle des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), il a déclaré qu’on ne s’attend pas à ce qu’un FAI bloque systématiquement les e-mails de phishing ou les contenus inappropriés.
Néanmoins, cette posture de neutralité technologique a ses limites. Lily Liu, présidente de la Solana Foundation, s’est montrée plus critique sur certains abus. Lors de la conférence Consensus à Hong Kong, elle a fermement condamné des pratiques qu’elle juge “immorales”, notamment celles entourant le memecoin LIBRA, un jeton controversé qui a suscité de vives polémiques après son effondrement spectaculaire.
Conlusion
L’essor des memecoins a joué un rôle déterminant dans l’explosion de Solana depuis le début de l’année 2024. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 60 % du volume de trading sur la blockchain provient de ces actifs ultra-spéculatifs, et ce n’est pas un hasard si de nombreuses célébrités ont choisi Solana comme terrain de lancement pour leurs propres tokens. Derrière cette dynamique, la plateforme Pump.fun s’est imposée comme un acteur clé, facilitant la création et la diffusion massive de ces tokens et attirant une vague d’utilisateurs en quête de gains rapides.
Les memecoins sont ainsi devenus la “marque de fabrique” de Solana, contribuant à sa notoriété et à son adoption. Mais cette dépendance est aussi un talon d’Achille. L’écosystème repose aujourd’hui en grande partie sur cette frénésie spéculative, soulevant des questions sur la viabilité du modèle à long terme.
Pourtant, peut-on réellement blâmer Solana ou même Pump.fun ? Certes, ils bénéficient directement de cet engouement, mais l’origine du phénomène est ailleurs. Ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui alimentent la machine, portés par l’appât du gain et la recherche de profits rapides. Loin d’être une simple question d’infrastructure, l’essor des memecoins met en lumière un aspect fondamental des marchés décentralisés : la psychologie humaine et sa tendance à la spéculation effrénée.
Si aujourd’hui Solana ressemble à un immense casino où les memes et la volatilité font loi, il ne faut pas pour autant négliger les autres initiatives qui s’y développent. Au-delà de la spéculation, des projets sérieux et novateurs continuent d’émerger sur la blockchain. Mais une question demeure : cette vague d’utilisateurs attirés par la spéculation restera-t-elle sur le long terme, ou migrera-t-elle vers une autre blockchain à la recherche de la prochaine hype ? Solana a prouvé sa capacité à capter l’attention du marché. Reste à savoir si elle parviendra à transformer cette effervescence en une adoption durable.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


