Mark Kepeneghian (Kriptown) : “L’investissement de BNP Paribas est un signal fort pour la tokenisation”

La start-up française spécialisée dans le financement des PME via la blockchain vient de lever 4,2 millions d’euros, notamment auprès de BNP Paribas. Dans une interview exclusive, son fondateur Mark Kepeneghian nous explique en quoi cet investissement est stratégique.
The Big Whale : Avant de parler de la levée de fonds, pourriez-vous s’il vous plaît expliquer ce que Kriptown fait précisément ?
Mark Kepeneghian : Kriptown est une plateforme qui permet le financement des PME européennes. Nous sommes disponibles 24h/24 et 7j/7, avec règlement-livraison instantané et sans risque de contrepartie.
Notre objectif est de faciliter l'accès au financement pour les PME tout en offrant aux investisseurs, qu'ils soient particuliers ou institutionnels, la possibilité d'investir directement.
Parlons de l’opération. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'entrée de BNP Paribas et Bpifrance à votre capital ?
Il s'agit d'une levée de fonds de 4,2 millions d'euros en capital. L'entrée de BNP Paribas et Bpifrance est stratégique à plusieurs niveaux. D’abord, parce que nous avons récemment déposé une demande d'agrément de CSD (Central Securities Depository) et de Bourse, une première pour une start-up en Europe. Ensuite, parce qu’avoir des banques comme BNP Paribas et Bpifrance montre que l’avenir des marchés financiers passe aussi par la blockchain.
Est-ce que l'entrée de BNP Paribas et Bpifrance pourrait détourner des entreprises de votre plateforme parce qu’elles travaillent déjà avec d’autres banques ?
Jusqu'à présent, cela n'a pas posé de problème. Nous avons des discussions avec d'autres banques, et le fait d'avoir BNP Paribas à notre capital montre que ce projet est très sérieux. Je pense, au contraire, que cela doit inciter d'autres banques et PME à nous utiliser.
Kriptown est actuellement focalisé sur les PME. Pensez-vous étendre votre offre à d'autres types d'entreprises à terme ?
Pour le moment, nous nous concentrons sur les PME, car elles sont très mal servies. À plus long terme, nous envisageons évidemment de traiter d’autres types de titres comme les ETF et les actions d’entreprises de taille internationale. Mais notre priorité est de prouver l'efficacité de notre modèle avec les PME avant de passer à d'autres secteurs.
BNP Paribas et Bpifrance ont pris des participations directes dans Kriptown, ce qui montre bien leur implication. Pouvez-vous nous en dire plus sur leur rôle ?
BNP Paribas est présente pour la partie business, notamment via le responsable de ses activités dérivés et marchés financiers. Bpifrance, de son côté, est plus stratégique. Leur présence est essentielle pour accompagner notre croissance et notre vision à long terme.
Les États-Unis avancent rapidement sur la tokenisation d'actifs. Comment voyez-vous leur approche par rapport à ce qui se passe en Europe, notamment avec le "régime pilote" ?
Les États-Unis vont très vite, surtout avec des acteurs comme BlackRock qui tokenisent des fonds et des monnaies. En Europe, nous avons le régime pilote, qui est une opportunité unique mais complexe à mettre en œuvre.
Notre ambition est de combler ce retard en démontrant que la tokenisation peut apporter une réelle efficience sur des actifs comme ceux des PME, tout en respectant le cadre réglementaire européen.
La demande pour ce type de produit est-elle forte ? Après six ans d'existence, voyez-vous un réel engouement des PME pour des solutions comme Kriptown ?
Absolument. Le besoin de financement en fonds propres des PME est immense, surtout en France. Nous avons six ans d'expérience et nous avons bien compris les limites du modèle précédent. Le fait d'être une Bourse officielle, où les actions seront cotées, va apporter beaucoup de clarté et de simplicité pour les PME et les investisseurs.
Qui peut investir sur Kriptown ? La plateforme sera-t-elle ouverte aux PME d'autres pays européens ?
Tout investisseur, particulier ou institutionnel, pourra acheter des actions cotées sur notre marché. Nous commencerons avec les PME françaises, mais les investisseurs viendront de toute la zone euro. À terme, nous accueillerons aussi des PME d'autres pays, comme l'Allemagne, en nous adaptant à certaines spécificités locales.
Quelle technologie blockchain utilisez-vous pour votre plateforme ?
Nous utilisons Hyperledger Besu. Initialement, nous avons testé plusieurs blockchains, mais nous avons choisi celle-ci pour sa sécurité et son adéquation avec notre besoin de règlement-livraison instantané.
Pour finir, un mot sur Euronext et leur vision de la tokenisation. Stéphane Boujnah a récemment déclaré que ce n'était pas une priorité pour eux. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que c'est une question de gestion. Euronext se concentre sur des marchés déjà établis, et c'est logique pour un grand groupe. En tant que fintech, nous avons la flexibilité et la volonté d'innover en amont. Si nous prouvons l'efficacité de notre modèle, je suis convaincu qu'Euronext s'y intéressera à terme.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.

