Martin Köppelmann (Gnosis Pay) : “Revolut est une sorte de modèle pour nous”

Co-fondateur de Gnosis, Martin Köppelmann ambitionne de fournir l'ensemble des services financiers on-chain. La carte Gnosis Pay est pour le moment disponible en Europe, au Brésil, et le sera prochainement en Inde.
The Big Whale : Vous avez récemment lancé une carte de paiement. Pourquoi avoir décidé de lancer ce type de produit ?
Martin Köppelmann : L'utilisation des cryptomonnaies n'a jamais été très fluide. Avec cette carte, notre objectif est de permettre à nos utilisateurs d'utiliser leurs cryptomonnaies aussi facilement que des monnaies fiat comme l'euro ou le dollar.
Avec la carte Gnosis Pay, nous avons créé un moyen pour les utilisateurs de dépenser directement leurs cryptomonnaies dans le monde réel, sans avoir besoin de recourir à des intermédiaires ou à des services de conversion comme les plateformes d'échange centralisées. Cela fait partie de notre vision plus large de simplifier et d'améliorer l'expérience utilisateur au sein de l'écosystème Ethereum, et même au-delà.
Pour cela, les utilisateurs de Gnosis Pay disposent d'un wallet Safe non-custodial leur permettant de garder le contrôle sur leurs fonds. Il est également possible de dépenser leurs cryptomonnaies via l'EURe, le stablecoin régulé de la start-up Monerium.
Justement, il n'est pour le moment possible de payer qu'avec ce stablecoin euro. À quand l'intégration d'autres stablecoins, notamment des stablecoins dollars ?
Nous travaillons à l'intégration de l'USDC, le stablecoin dollar de Circle. Sur le long terme, nous voulons que notre carte soit multi-devises en intégrant d'autres monnaies légales on-chain.
Est-ce possible pour un utilisateur de payer en dollars avec la carte ? Et si oui, comment cela fonctionne-t-il ?
Pour le moment, la carte n'est disponible que dans sa version euro. Cependant, vous pouvez l'utiliser partout dans le monde. Lorsque vous effectuez un paiement aux États-Unis, par exemple, la carte sera toujours débitée en dollar avec le taux de change de Visa. Vous n'aurez pas à vous occuper de conversions compliquées — le taux est géré automatiquement.
Vous avez également lancé une sorte de compte cash rémunéré. Pouvez-vous décrire son fonctionnement ?
Les utilisateurs ont la possibilité d'avoir accès à un rendement de 8 % en détenant sur la Gnosis Chain du sDAI, qui est une représentation synthétique des stablecoins DAI immobilisés dans le Dai Savings Rate (DSR) de Maker (aujourd'hui Sky, ndlr).
Les utilisateurs peuvent même intégrer la carte Gnosis Pay au Zeal Wallet pour bénéficier de ce rendement tout en rechargeant automatiquement le compte cash rémunéré à chaque dépense. Tout cela est rendu possible grâce à Zeal Wallet, qui a construit cette solution à partir de nos outils disponibles en open source.
Sur le long terme, quel est votre objectif ? Devenir une sorte de banque complètement on-chain ?
En quelque sorte. Le but est vraiment de faciliter l'accès à des services bancaires de base, comme la possibilité de conserver soi-même ses fonds ou d'envoyer de l'argent quasiment gratuitement.
J'étais à Bangkok il y a 2 mois pour la conférence DevCon, et je me suis retrouvé plusieurs fois dans la situation où un chauffeur me propose une course, mais il m'était impossible de l'accepter parce qu'il ne prenait que de l'argent liquide. C'est un exemple simple qui montre qu'il y a encore énormément de frictions dans l'industrie du paiement.
À terme, nous voulons pouvoir gérer un maximum de stablecoins sur la Gnosis Chain de manière à rendre l'échange de devises très abordable et facile pour n'importe qui. Nous développons aussi des agents IA qui ont commencé à effectuer des micro-paiements entre eux. À terme, ils pourraient automatiser un certain nombre d'opérations sur le réseau.
Donc votre ambition va bien au-delà de l'Europe ?
Nous voulons vraiment être un acteur global en donnant accès à la blockchain, où les frais sont bien moindres que dans le système traditionnel.
Nous travaillons sur des solutions où il sera possible de passer simplement d'une devise légale à une autre quasiment sans frais. En plus, si vous voulez investir dans un protocole de finance décentralisée (DeFi) ou dans des produits financiers comme les fonds monétaires tokenisés ou même des ETF tokenisés, cela sera aussi possible.
Idéalement, nous voulons être intégrés partout. Récemment, nous avons été intégrés au système bancaire brésilien via PIX, un système de paiement instantané. Ainsi, il est possible pour les utilisateurs brésiliens de passer facilement du monde traditionnel à celui de la blockchain. Nous travaillons aussi sur d'autres pays comme l'Inde.
Notre ambition est d'être connectés à tous les points d'accès bancaires au niveau mondial pour permettre à chacun de basculer facilement on-chain.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec Visa pour votre carte ?
Pour plusieurs raisons. D'abord parce que Visa permet d'avoir accès à près de 100 millions de commerces à travers le monde. Puis parce que leur réseau de paiement est vraiment performant.
En ce qui concerne l'émission de la carte, que Visa ne gère pas, c'est un peu plus complexe parce qu'il est nécessaire d'obtenir des licences dans plusieurs juridictions. Ce n'est pas comme en Europe, où vous avez accès, avec une seule licence, à tous les pays européens. Bientôt, nous espérons pouvoir couvrir près de 80 % des pays à travers le monde.
Combien de personnes travaillent actuellement pour Gnosis Pay ?
Il y a une trentaine de personnes qui travaillent exclusivement sur Gnosis Pay. Mais plus largement, nous sommes près de 120 à travailler au développement de l'écosystème Gnosis, qui compte notamment des projets comme CowSwap, un exchange décentralisé.
Beaucoup d'acteurs comme Coinbase, via son layer 2 Base, tentent aussi de se positionner en proposant leurs propres rails de paiement. Quels sont vos concurrents ?
Je ne vois pas vraiment Coinbase comme des concurrents, parce que pour le moment, toutes les initiatives sont bonnes pour embarquer l'économie traditionnelle on-chain.
Je préfère nous comparer à des néo-banques comme Revolut. Pour nous, c'est un modèle. L'idée est d'être une sorte de néo-banque, mais on-chain, avec tout un écosystème permettant d'avoir accès à de nombreux produits financiers.
Aujourd'hui, vous avez une carte de paiement. Mais plusieurs acteurs comme Mastercard se sont positionnés pour stopper les cartes et préparer l'avenir, notamment avec les QR Code. Qu'en pensez-vous ?
Le QR Code peut évidemment être une option. Actuellement, nous travaillons à la conception d'un wallet qui intégrera la possibilité de générer un QR Code pour payer. La technologie NFC fonctionne également très bien avec Apple Pay ou Google Pay. Mais la carte physique a montré qu'elle restait le moyen le plus fiable pour payer.
Vous avez déjà intégré la carte à Google Pay. Et pour Apple Pay ?
Cela arrivera très bientôt.
Vous offrez également du cashback en GNO, le token de gouvernance de Gnosis. Combien de temps prévoyez-vous de le faire durer ?
La trésorerie n'est pas infinie, donc il y aura forcément une fin. Mais ce n'est pas pour tout de suite. La DAO a alloué un premier montant de 10 000 GNO pour le cashback et, pour le moment, seulement quelques centaines de GNO ont été dépensés.
Une fois que ce montant sera dépensé, il y a de grandes chances que nous allouions un nouveau montant de GNO, la trésorerie comptant près de 500 000 GNO.
Pour le moment, nous sommes toujours dans cette phase d'incitations financières pour attirer des utilisateurs, et un cashback pouvant aller jusqu'à 5 % est un excellent outil.
Quel est le modèle économique de la DAO de Gnosis ?
Les revenus de la DAO proviennent de plusieurs sources. Il y a évidemment les frais de transaction, mais cette part est aujourd'hui minime puisque les frais sont extrêmement bas. Sur le long terme, si nous attirons de nombreux utilisateurs, ce chiffre augmentera.
Ensuite, il y a les projets comme CowSwap, dont le modèle économique est celui d'un exchange décentralisé traditionnel. Gnosis détient une participation en tokens dans CowSwap. Je dirais donc que, de ce point de vue, nous avons une approche écosystémique : nous participons à développer des projets pour enrichir l'écosystème et apporter un maximum de valeur aux utilisateurs.
Vous avez récemment annoncé le lancement d'une activité de capital-risque avec Gnosis VC. Est-ce dans le même but de soutenir des projets ou de générer des revenus ?
C'est globalement la même approche. Encore une fois, nous voulons avoir une approche écosystémique, de manière à ce que les projets soient complémentaires entre eux et qu'ils n'évoluent pas seuls dans leur coin. Avec notre branche VC, l'objectif est d'investir dans des projets qui font grandir notre écosystème.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.

